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  lundi 24 juin 2019
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Depuis quelques mois, avec les gilets jaunes, mais également depuis plus longtemps, si l'on se remémore les cheminots, les étudiants, et Air France notamment, il existe un sujet qui surpasse et domine tous les débats commentant ces événements sociaux.

Un sujet, qui est annexe, qui finalement est centré sur les actions se produisant plutôt que sur les causes qui déterminent ces actions. Un sujet souvent instrumentalisé afin de ne pas parler du sens, d'omettre les messages, et le déroulé historique des mouvements sociaux.

Ce sujet, c'est la notion de violence.

Ce mot est présent dans tous les médias, sa présence ou son absence dans les manifestations peut bouleverser le soutien ou la condamnation de l'opinion publique et reléguer les enjeux sociaux au second plan. Aussi cette notion fort mal définie, permet d'infléchir un discours, de modifier des perceptions et d'arbitrer des responsabilités. Mais il n'y a jamais ou si peu d'interrogation sur les raisons de cette violence, ni sur sa signification. Et finalement elle n'est qualifiée moralement qu'en fonction des acteurs qui la produisent.

Le but de ce texte est de se poser ces questions, de nous interroger sur la présence de cette violence et sur son rôle.

D'aucuns diront qu'en installant cette réflexion, l'on consent déjà d'une certaine façon à l'utilisation de la violence au sein de mouvements sociaux. En effet, si l'on ne condamne pas de manière quasiment pavlovienne alors l'on cautionne. Pourtant se poser les questions sur un sujet est le meilleur moyen d'en juger l'objet. Ne pas s'en poser c'est simplement préjuger d'un objet qu'on imagine davantage que l'on connaît. Et c'est ainsi que l'on subit une tyrannie de l'émotionnel au détriment d'un jugement rationnel et analytique. C'est une forme de violence. Celle-ci est pourtant banalisée.

Deux postulats contemporains sont présents afin d'articuler et biaiser un débat sur les violences dans ce type de contexte :

  • la violence légitime donc acceptable moralement est celle des forces de l'ordre.
  • Tout autre type de violence est donc par exclusion illégitime et donc inacceptable moralement.

Pourquoi nous assène t-on un débat continu sur les violences dans ce cas ? C'est inutile, l'idée commune présentée ci-dessous clôt le débat car elle y répond. L'expression "violence légitime" nous vient de Max Weber qui considérait que l'Etat pour être un Etat doit disposer de la capacité physique à maintenir l'ordre pour le bien commun. Il dispose ainsi du monopole de cette capacité qui est alors la seule légitime. Ce n'est qu'une définition et une explication de l'origine de cette expression, il n'est nullement remis en cause son travail éminent de chercheur.

Selon cette théorie, aucune manifestation ne peut prétendre être légitime à exprimer une violence et toute violence illégitime est condamnable. Chaque mouvement détériorant des biens publics ou privés, blessant des personnes devrait être condamné et ses idées entachées de ces modes d'expression.

Mais il demeure plusieurs incohérences qui remettent en cause cette affirmation.

Tout d'abord la violence légitime s'exprime par les forces de l'ordre. Les forces de l'ordre sont diligentées par le pouvoir élu démocratiquement. Ce pouvoir nous représentant est au service de l'ensemble des citoyens. Donc les forces de l'ordre, la fonction publique, les agents au service du public sont au service des citoyens. Il découle donc une interrogation : comment des forces au service de citoyens peuvent ils faire usage d'une violence qui serait légitime à leur encontre ? N'est ce pas la différence entre les forces de l'ordre républicaines au service des citoyens et la police politique ou une milice de de demeurer au service d'un pouvoir ?

La violence légitime telle que la définit Weber n'est pas fondée. Un Etat ne repose pas sur la légitimité mais sur le droit, sur la notion de justice et par conséquent il s'agit d'une violence légale. Il n'est nullement question d'éthique mais de droit. Et c'est uniquement parce que le droit l'autorise que l'Etat la décrète légitime. Le raisonnement est donc effectué inversement d'une logique cohérente.

De fait je suis d'accord, des violences au sein d'une manifestation sont illégales. Mais si l'on tient compte du propos ci-dessus elle n'est pas plus illégitime que celle des forces de l'ordre.

Pour juger de la légitimité ou de l'éthique d'un acte, il faut interroger les causes.

Si l'on interroge les causes des manifestations actuelles qui donnent lieu à des violences alors il y a consensus pour établir l'idée que le manque de justice sociale, le manque de possibilité d'agir, la privation de pouvoir gérer sa vie décemment, le sentiment d'être ignoré sont déterminantes des manifestations actuelles et des violences qui en découlent. Ce sont des violences qui ne sont pas nécessairement physiques et pourtant elles ne sont pas jugées illégitimes par nos gouvernants. La violence politique semble l'être si l'on en croit leurs éléments de langage et leurs idées. Pourtant il n'en est jamais fait état.

Par opposition nous avons un pouvoir élu démocratiquement mettant en place le programme pour lequel il a été élu protéger ses prérogatives et son maintien par la présence des forces de l'ordre. Je ne parle pas de maintien de la démocratie ou de la République, mais du maintien du pouvoir en place. Pour certains ces notions sont liées, je pense que c'est un peu plus complexe.

En conclusion, la violence n'est pas légitime selon l'acteur qui l'exécute mais selon les causes qui animent ces acteurs. Elle devrait être évitée mais elle est constamment présente dans notre quotidien : par le biais des médias, par les situations ignobles qu'il arrive de vivre à beaucoup de citoyens, par le désarroi de beaucoup de français. Nous vivons dans une société où la violence est permanente et s'exprime avec une infinité de façons. Que l'on soit choqué par celle des manifestations est une chose, mais la juger comme un paroxysme quand on ignore volontairement celle qui s'exprime de manière insidieuse et silencieuse tous les jours reste incompréhensible. Machiavel déclarait que le pouvoir politique prenait sa source dans le conflit entre les citoyens et les dirigeants. Sans ce conflit il existe soit de la tyrannie soit de l'anarchie. La violence peu importe sa légitimité n'est elle pas une dérive de l'absence de conflit constructif entre les citoyens et leurs représentants ?

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