Connexion  \/ 
x
ou
x
S'inscrire
x
  lundi 24 juin 2019
  0 Replies
  667 Visits
0
Votes
Annuler
  Subscribe

En philosophie, et plus spécifiquement en métaphysique, il y a un concept qui traversa l'histoire des Idées et qui fit l'objet d'âpres débats où se disputaient son existence et ses modalités d'expression.

En effet le libre arbitre fut l'occasion d'écriture de nombreux ouvrages, de nombreuses correspondances et de nombreuses critiques. Il se définit, si l'on veut demeurer simple et général, par la capacité de chacun à agir sans contrainte ou du moins sans aucune contrainte enfreignant notre conscience et notre volonté. En disant cela, je sais déjà que je vais fâcher nombre d'experts car je devrais dans un souci méthodologique définir la volonté et la conscience, mais ce n'est pas le propos de ce texte et la définition commune suffit.


il est convenu que le libre arbitre selon un prisme métaphysique est délicat à aborder. Cependant, il est clairement établi deux principes dans notre société qui érigent le libre arbitre comme condition nécessaire de structuration des rapports sociaux et d'organisation des pouvoirs.

le premier principe est celui de la liberté, ou plutôt des libertés. Notre constitution, et ce grâce aux idées de Rousseau, Montesquieu, Condorcet et Voltaire notamment, établit comme fait indubitable le respect des libertés fondamentales individuelles. Par exemple, la liberté de conscience, celle d'expression, de culte, et finalement d'agir dans le respect d'autres règles fondamentales. Ce sont des libertés mais également des droits. Et logiquement, par voie de conséquence un droit n'est exprimé et accordé que lorsqu'il est possible de l'éprouver. De fait les libertés sont des principes que nous pouvons exercer.

Le second fondement tient à ce que la responsabilité individuelle est un pré requis à toute notion de justice dans les sociétés occidentales actuelles. nul n'est censé ignorer la loi et la loi reconnaît l'auteur de chaque acte comme responsable de l'acte. Si l'on est responsable on est jugé apte d'agir et donc le libre arbitre est de fait reconnu comme existant.

Par la constitution de notre système politique et sur les préceptes philosophiques sur lesquels il repose, il est possible de conclure que le libre arbitre au sein de notre société existe en droit et donc est reconnu comme individuellement possible.

Pourtant un diagnostic social de la France montre une autre réalité. Un diagnostic qui peut reposer sur les gilets jaunes mais également sur toutes les manifestations depuis des décennies, sur des témoignages de personnes sortant du pôle emploi, d'agriculteurs, de classes sociales précaires d'une multitude de secteurs. Un constat qui peut finalement reposer sur son ressenti propre et qui tend à être illustré par nombre de statistiques évocatrices sur les pauvretés ou les inégalités.

Les citoyens sont dans leur grande majorité privés de libre arbitre social. Par libre arbitre social j'entends la capacité à agir selon sa volonté sans obstacle autre que la loi.

Qui le peut ?

Réfléchissez quelques minutes à ce que vous aimeriez faire dans la limite du raisonnable ou non et dites vous si les choses les plus insignifiantes sont déjà possibles. Et là vous avez de forts risques de vous rendre compte que mêmes les choses simples vous sont de moins en moins réalisables. Et ce, parce que les contraintes imposées sont de moins en moins surmontables. Ces contraintes sont elles-mêmes déterminées par la difficulté grandissante de pourvoir à nos besoins fondamentaux :

  • se loger est un droit mais n'est pas garanti. Pire, cela coûte de plus en plus cher.
  • Pour consommer il est simplement nécessaire d'avoir de l'argent et donc un emploi mais l'emploi n'est pas garanti et donc tous les services possibles deviennent inaccessibles.
  • Entreprendre quelque chose est soumis à tant de conditions que l'inaction devient la seule solution.
  • Exprimer une idée ou un message sans écoute en retour engendre l'abandon de toute parole.

Et l'on peut voir les conséquences directes de ces révélateurs. Comme le déclare John Dewey :

" Les hommes sentent qu'ils sont pris dans un flot de forces trop vastes pour qu'ils les comprennent ou les maîtrisent. La pensée est immobilisée, l'action, paralysée."


Et les termes de "majorité silencieuse" de "population invisible" prennent tout leur sens.

Et c'est je pense l'expression du mouvement des Gilets Jaunes également. Ne plus pouvoir agir, plus faire, ne plus pouvoir parler. L'impression de ne pas avoir la moindre importance et d'être face à une société qui exclut. L'impression qu'en tant que citoyen l'on ne peut plus participer au débat public et exercer un pouvoir de décision ce qui renforce un sentiment légitime d'exploitation. L'absence de libre arbitre créé donc un sentiment de désespoir divisé entre deux tensions, celle de penser que quoique l'on fasse rien ne change et l'autre consistant à ressentir l'idée que l'on ne peut littéralement rien faire, ne pas agir. Ce n'est pas un hasard si la sociologie de ce mouvement est nouvelle et le référendum citoyen étendard des revendications.

Et cette absence de libre arbitre est d'autant plus paradoxale que c'est un système prônant les libertés individuelles qui l'illustre. Un système qui promeut l'individualisme au détriment du holisme et qui pourtant par sa pratique, par les conditions contradictoires qu'il établit prive de toute autonomie, indépendance et liberté d'action l'individu composant la société.

Et c'est ce paradoxe qui génère pour conclure ce malaise permanent, cette contradiction empêchant toute émancipation intellectuelle et pratique de chacun.

Origine de la proposition
A titre individuel
Notez cette proposition :
Cette proposition ne contient encore aucune réponse.
Soyez le premier à y répondre !