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  vendredi 21 juin 2019
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En cette période de manifestation sociale, conséquence d'une ordonnance pour le moins controversée, je me suis posé des questions bien plus lointaines que les mesures si concrètes qui étaient présentées.

Le programme de Benoît Hamon et notamment le revenu universel y ont amplement leur part et leur responsabilité.

"Nous sommes dans une société qui, actuellement est en conflit permanent dès que la question du travail se pose." Cette phrase, sortie d'un journal télévisé m'interpela. La société est elle vraiment en conflit sur la question du travail ? En effet, elle est en conflit, mais pas sur la question du travail, seulement sur ses modalités.Car ne nous y trompons pas, les dizaines de milliers de personnes, qui étaient dehors lors de la manifestation du douze septembre, ne se battaient pas sur la question du travail en particulier mais sur les dispositions légales qui régentent le monde du travail. Depuis la seconde guerre mondiale, et le message partagé par tous qu'il fallait reconstruire la France, mais avant cela, depuis la révolution industrielle et l'instauration de l'activité capitalistique, le travail est devenu la norme de l'activité.Nous travaillons pour vivre grâce au salaire, nous travaillons pour des questions d'intégration sociale, nous travaillons également afin d'utiliser les compétences pour lesquelles nous avons été formés.Nous savons faire quelque chose, il faut que cela serve. Nous pouvons donc résumer cette situation par l'alliance de l'utilitarisme et du capitalisme.Chaque manifestation, chaque lutte sociale est désormais faite pour préserver des acquis qui risquent d'être perdus. Le seul acquis demeurant finalement serait qu'il est nécessaire de travailler, que cela ne peut en être autrement. D'où ma question : pourquoi le travail est il un devoir ? Pourquoi notre société doit-elle conformer chaque être à générer une activité sous peine de ne pas subvenir à ses besoins ? In extenso, quel est le sort réservé à ceux qui n'y arrivent pas et comment en justifier la légitimité ?

Au départ, on peut d'ailleurs le remarquer dans l'Antiquité à Athènes, chaque activité dépend d'abord de votre savoir-faire et doit correspondre au sens strict à un besoin manifeste de la Cité. Personne ne travaille pour travailler uniquement, agir pour agir, il demeure une poïétique, une vertu, un sens une signification à chaque mission remplie. Une fois le besoin comblé, satisfait, l'oisiveté était permise et n'était pas jugée de façon péjorative. On agissait car l'acte était un marqueur d'existence s'inscrivant dans un universel, et non pour survivre. Il existait également une praxis, des activités qui avaient un sens en elle-même et non en vue de simples conséquences. La création, l'art, la culture, la transmission intellectuelle même orale, même informelle, permettaient l'épanouissement collectif et ainsi répondaient à un besoin d'élévation de chaque individu et de la Cité dans son ensemble.
Ce n'était pas la condition de survie qui inclinait à exercer un travail.

Le salaire trouve d'ailleurs son origine chez les légionnaires romains où le service militaire et la participation aux campagnes d'invasion étaient rétribuées en sel afin de notamment conserver la viande. D'où le terme de "salaire".
En parallèle et il faut bien le dire assez ironiquement, le terme "Travail" est synonyme d'effort difficile et est déterminé étymologiquement par le terme latin "Trepalium" qui désignait un objet de torture. Associons les deux à l'origine du travail salarié est finalement peu plaisante, un soldat soumis à une sorte de torture si on reste au plus près des racines lexicales. Une autre source linguistique celle de Littré détermine l'origine du mot travail à un obstacle difficile à contourner ou surmonter. Toute signification exprime la notion d'effort difficile.

Un trepalium

Nous retrouvons cette pensée de l'activité en réponse à un besoin social de l'Etat au Moyen-âge et ce, jusqu'à la première révolution industrielle. Pour le dire simplement, tant que la suffisance était le critère de la société pour réguler l'activité en son sein il n'existait pas un devoir de travail. Bien entendu, chaque personne pour éprouver ses besoins individuels pouvait générer une activité en vue de satisfaire ce besoin. Mais c'était un devoir personnel et non une contrainte subie. L'on gardait comme idée directrice la notion de besoin.

Arrivèrent la révolution industrielle, peu après la Révolution française et l'apogée philosophique de l'individualisme mais également le début d'une transformation de la société qui met de côté la suffisance et la satisfaction pour se concentrer sur la production et l'accumulation de choses produites. Les termes de productivité, d'accroissement des profits, d'augmentation du capital ainsi que la fondation des principales institutions bancaires et nous obtenons la construction de la maison du capitalisme et du libéralisme économique.

Le besoin laisse la place à un profit, à un désir d'accumuler sans cesse renouvelé. Ce n'est potentiellement réalisable que si et uniquement si la population possède des besoins individuels et collectifs à combler. Le XXe siècle avec ses deux guerres, sera le creuset idéal pour transposer la suffisance au profit capitalistique. Il sera le siècle idéologiquement structuré pour métamorphoser les typées d'organisation hiérarchiques et de conditions de travail afin que ne soient discutées ni leur légitimité ni leur cohérence. Les besoins individuels par leur simple existence, ont alors généré un devoir par nécessité, puis un devoir moral lorsque ce dernier fut instrumentalisé. La religion protestante notamment, pour reprendre Weber, avait préparé la population au labeur et à la pureté de l'activité douloureuse, mais paradoxalement le recul des religions et de leurs doctrines permît l'instauration des doctrines économiques comme structuration de chaque société puis du monde.

Nous voici aujourd'hui, enfin pas totalement, avec un John Kennedy peut être adepte de Franklin demandant à chaque américain de songer à ce qu'il peut faire pour son pays, à une France qui par devoir doit se reconstruire, et ne pas économiser ses efforts, ne pas épargner les populations colonisées non plus, à chaque entreprise exhortant ses employés à devenir meilleurs à optimiser chaque qualité qu'ils entretiennent.
Sans se demander une seule fois : pourquoi ?
Si jamais, par un hasard heureux, la question survenait, la seule réponse, qui fait consensus est : il faut.
A une époque où les inventions sont telles que des métiers disparaissent, , ce qui est d'ailleurs le but d'une invention : faire en sorte que nous n'ayons plus à faire nous-mêmes une chose et être libérés de cet effort. A une époque où notre production est si abondante qu'il faut programmer une obsolescence afin de renouveler un besoin qui ne le nécessitait pas, une péremption à chaque chose afin de consommer et donc de produire davantage, à une époque finalement, nous sommes obligés de créer de la production inutile pour maintenir des emplois en activité et ainsi inverser un fonctionnement de façon absurde, le devoir de travail n'est donc plus légitime.

Le service que l'on rend par notre activité ne rend dans beaucoup de cas plus service, notre activité se cumule souvent à une activité qui aurait suffi, et le devoir incessant, plaqué sur notre éducation, notre scolarité, notre vie, de travailler. En vu de quoi, personne ne le sait vraiment. Un devoir arbitraire aliéne, de même qu'une action dont on ne connaît ni les causes ni les effets. Spinoza déclarait d'ailleurs que notre liberté est de connaître les causes qui nous déterminent.
Si l'on voulait remédier à tout ceci, je pense qu'il faudrait substituer le terme de travail à celui d'activité, car finalement chaque activité est une expression d'utilité ou de création de quelque chose, une activité réfléchie est nécessairement fertile pour soi et pour autrui. Une mère au foyer pour prendre un exemple typique, en donnant du temps, en investissant sa personne dans l'éducation de ses enfants est un investissement pour elle, pour autrui et pour la société.

Le travail, devenu activité ne serait donc plus assujettie au salaire et la vie digne ne serait plus conditionnée à elle. C'est de toute façon une idée contraire aux droits de l'homme de penser que l'existence avec dignité n'est pas de facto acquise. L'utilité ne devrait plus être le critère de réussite sociale ou d'échec.

Nous ne sommes pas rien en ne faisant pas toujours quelque chose.

Chaque personne par son existence agit et constitue ainsi un sens à une société qui ne peut être justifiée que par le sens commun à tous.
Chacun agit de telle sorte qu'il sert la collectivité, même machinalement.

Dès lors, le travail n'est plus un devoir, ni une raison d'être, mais seulement un droit, l'activité devient un acte quotidien divers, pluriel. Et la construction collective devient elle-même moins uniforme, plus éparse, plus riche.

Afin d'émanciper chaque citoyen de contraintes qui finalement n'en sont pas ou ne devraient pas être, il convient de réguler les idéologies, a fortiori les idéologies arbitraires, celles-là même qui ne justifient leur existence que par une supposée nécessité qu'il ne faut pas questionner. Pourquoi le travail est il encore un devoir ? Lorsqu'une question par sa simple formulation devient vide de sens, c'est que le monde qu'elle décrit est absurde.

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