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  jeudi 22 août 2019
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La révolution a toujours été une course contre le temps et le temps ne joue pas en faveur de ceux et de celles qui veulent changer l'ordre des choses, car plus cet ordre libéral perdure plus la fin de toutes choses se rapproche.
Longtemps, cette urgence s'est comptée en vies perdues, dans les usines, dans les prisons, sur les champs de bataille. Maintenant c'est à la vie elle même à qui l'on décompte le temps.

 

La révolution a toujours été une course contre le temps et le temps ne joue pas en faveur de ceux et de celles qui veulent changer l'ordre des choses, car plus cet ordre libéral perdure plus la fin de toutes choses se rapproche.
Longtemps, cette urgence s'est comptée en vies perdues, dans les usines, dans les prisons, sur les champs de bataille. Maintenant c'est à la vie elle même à qui l'on décompte le temps.
Tout comme Hamlet nous héritons d'un monde désarticulé, et nous pouvons dire avec lui « Le temps est hors de ses gonds », et tout comme lui nous en sommes responsables sans avoir pris part à son dérèglement, « le temps est détraqué, traqué et détraqué, dérangé, à la fois déréglé et fou » disait le comédien Mesguich et le philosophe Deleuze d'ajouter qu'à partir de ce renversement « c'est le mouvement qui se subordonne au temps ».
C'est dans cette disjointure du temps, de l'histoire et du monde que nous intervenons, c'est dans cette « extension du matérialisme historique » comme écrivait Gramsci à la veille de l'Apocalypse, que nous devons agir. Nous avons la même mission qu'Hamlet, nous sommes les descendants de lignées d'assassins et à présent que les choses sont devenues folles, nous devons les réajuster : « I was born to set it right ! ».
C'est un temps de révolution et c'est là notre chance, notre dernière chance à vrai dire. Cette rupture qui se manifeste par l'impasse historique du capitalisme dévoreur de mondes et par la désaffiliation idéologique des peuples, c'est-à-dire l'incrédulité en l'indépassable économie de marché, cette sortie des gonds, nous place, nous révolutionnaires en face de nos contradictions propres : se saisir de ce moment rare où tout peut basculer ou bien rester pétrifiés devant l'incommensurable.
Tout est dans cette longue et sanguinaire tragédie de Shakespeare, le prince de Danemark hésite longtemps, on le croit fou, il doute, mais il sait que s'il ne tue pas Claudius son oncle, meurtrier de son père, corrupteur de l'ordre naturel, ce dernier le tuera nécessairement. Je crois que nous sommes confrontés à ce même type de choix. Si nous n'optons pas pour la radicalité en utilisant le mouvement émancipateur que créé l'effondrement systémique alors le système nous éliminera soit par épuisement, soit par assimilation, soit par extinction, soit par la répression et le temps morbide et mortifère reprendra son triste cours et rentrera dans ses gonds.
Bruno Latour dans son dernier ouvrage Où atterrir ? Comment s'orienter en politique, ne dit pas autre chose quand il montre que les classes dirigeantes ont entamé, ni plus ni moins, à partir des années 80, avec la dérégulation universelle, l'explosion des inégalités et la négation des mutations climatiques, un processus « d'élimination » des populations qu'elle ne recouvre pas.

Devenir ce que nous sommes pour ne pas devenir fous
La question de la stratégie à adopter pour une organisation politique est centrale, mais ne peut véritablement se concevoir que dans la lumière de ses convictions et particulièrement de celles de ses membres. Si j'ai choisi de commencer cette réflexion sur la stratégie par Hamlet, c'est que la confrontation qui vient, ne va pas permettre de positions mitigées. Comme au royaume du Danemark, chaque camp va jouer sa survie d'abord face à l'autre, mais aussi face à lui-même. Dans ce combat, dont les décors s'installent, dont la complexité familiale imbrique les protagonistes, il se peut qu'il n'y ait que des perdants.
Ce que nous devons interroger va au-delà des considérations politiques de victoires ou de défaites électorales, c'est la question du dépassement civilisationnel au cœur duquel se place la définition de notre propre humanité. Après des décades de manipulations libérales où le consumérisme a perverti nos désirs, où l'idole argent a transformé toutes choses en marchandise, où « quelque chose a pourri dans l'État de Danemark », où nous avons délégué bon gré mal gré notre volonté, que voulons-nous vraiment ? « Were we really born to set it right ? ».
Ce que j'entends, c'est que ce besoin d'une stratégie pour agir et vaincre, nous devons l'ancrer dans un substrat puissant tissé de nos désirs, de nos espoirs, de nos autonomies, de nos visions dans l'entraide et l'amour de l'autre et du vivant, l'émancipation du travail et la santé, la liberté de choisir nos routes, les découvertes et la projection des humains au delà de leurs frontière géophysiques…Qui nous à mis dans l'esprit que c'était ridicule que vouloir cela ?
La première reconquête, c'est celle de notre imaginaire, colonisé par les agents du profit immédiat pour qui nos rêves humanistes ne dégagent pas assez de marge directe et sont encore bien trop imprévisibles. C'est cet imaginaire, sous sa forme la plus pure que nous devons affirmer non seulement comme nécessaire, mais comme indispensable, qui doit fonder notre projet et construire le récit d'un futur possible. Sans cette aspiration déraisonnable, aucun projet ne peut rivaliser avec les usines à histoires autrefois, en salles aujourd'hui, en streaming. L'acte 1 du politique c'est le rêve impossible, forcement impossible, l'acte 2 c'est affrontement, l'action pour son avènement, qui intègre le plan.
Au cours de la dernière la bataille souveraine de la Ve république, celle qui désigna de façon tragique et sanglante un roi, nous avons, notre champion, a frôlé cet imaginaire avec des propositions qui prenaient en compte à la fois la nécessaire modernité contemporaine et qui puisaient dans des aspirations humanistes intemporelles. Nous avons pu constater la justesse du tir par l'assignation au ridicule dont elles ont fait l'objet. Nous ne sommes pas aller assez loin !
Si nous voulons une société écologique c'est que nous voulons une société aimable, douce, émancipée où le développement de l'être l'emporte sur celui de l'avoir, où l'abondance remplace la pénurie concurrentielle, où l'accomplissement harmonieux remplace la croissance anxiogène, où personne n'oppresse personne. Affirmer cela c'est à la fois assumer la grêle haineuse et moqueuse qui va s'abattre sur nous mais aussi assumer de parler aux frustrations de millions de gens obligés d'être des winners et des brutes pour tenir leurs rôles, et qui sont en permanence au bord de la mutinerie ou du burn out.
Encore une fois écoutons notre double Hamlet : « La conscience fait de nous tous des lâches, ainsi les couleurs natives de la résolution blêmissent sous les pâles reflets de la pensée » et avec lui, en écho Michel Foulcault nous mettant en garde au milieu des années 70 sur l'autodiscipline/autocensure intériorisant la répression des désirs et ouvrant la voie aux sociétés de contrôle, désormais accomplies avec les technologies digitales.
Plus nous révolutionnaires, nous porterons un projet explicite de société alternative et belle, dégagé des prudences exogènes à nos êtres généreux, sans honte de ne pas rabaisser quiconque, plus nous briserons l'hégémonie culturelle de l'apocalypse salvatrice des libéraux schumpétériens, plus nous fédérerons le peuple dans sa diversité et dans son désir de paix et de grandeur.
Le prix de ce ralliement et du renversement est notre courage à affirmer en paroles et en actes dans un temps cynique et productiviste, un message d'entraide, de frugalité et de dépassement. C'est un prix beaucoup plus lourd qu'il n'y paraît, car notre ennemi n'est pas idiot, il va vite comprendre la force de ce genre de proposition, l'industrie de l'entertainment n'est pas là que pour gagner de l'argent…
La question traitant de notre identité, c'est-à-dire de ce que sont nos désirs, n'est pas simple. Comme politiques nous nous devons de définir une identité dynamique, qui revient à articuler dialectiquement, dans un contexte spatio-temporel donné, le rapport entre l'origine et la destination et corollairement la volonté motrice, désirable qui propulse la pensée. Posé différemment, il est primordial de faire réapparaître comme sous-bassement au projet de société future non seulement les valeurs essentielles, mais aussi la filiation politique et la continuité historique dont nous sommes les héritier.res.
Hamlet, prince du Danemark est l'héritier d'un monarchie élective, il ne peut renier cela sauf à se perdre, il doit se venger d'une trahison, d'une corruption celle du frère de son père Claudius, qui mine et pervertit la reproduction même du pouvoir.
Notre mouvement politique est dans un doute similaire, il est l'héritier d'une histoire salie, niée qu'il doit redresser, ranimer, dans un moment où le chaos produit de la complexité et de la multitude, où les peurs obscurcissent les esprits.
La perspective de l'effondrement recrée de la modernité, de la capacité à agir, le Prince du Nord nous rapporte le « temps présent », le temps de l'action, celui qui est sorti de ses gonds justement. Ce temps à propos duquel Borges nous dit « le labyrinthe a changé d'allure : ce n'est plus un cercle ni une spirale, mais un fil, une pure ligne droite, d'autant plus mystérieuse qu'elle est simple inexorable terrible – le labyrinthe qui se compose d'une seule ligne droite et qui est indivisible, incessant ».
Voilà notre tâche, prendre cette ligne directe, ce mystère, rattacher la modernité post-capitaliste à un humanisme ancien respectueux des équilibres, des êtres, de la terre, de la beauté. La tâche colossale de la gauche n'est rien d'autre que de réconcilier l'être humain avec lui-même, en recréant une société vivable, durable, inspirante.
Pour cela, nous devons enjamber sans états d'âme, les cadavres de tous ceux qui ont composé avec le capitalisme, d'abord ceux qui à gauche ont voulu imposer un modèle productiviste en niant la vie, puis ceux qui ont cru pouvoir négocier l'amélioration des conditions d'exploitation et enfin les fascistes, variante de l'idéologie capitaliste qui ont capturé le mécontentement croissant des masses et l'ont dévié de son opposition au capitalisme, mais qui comme toujours composeront avec les libéraux et leurs richesses et qui en mourront.

Des racines au radical
Le fil historique que nous pouvons reprendre et qui va aussi nous unir dans nos différents parcours, c'est celui qui puise sa source dans les textes fondateurs de Marx et de Engels en particulier sur le matérialisme comme « L'idéologie allemande » et ceux anti-autoritaires, libertaires s'appuyant sur l'entraide, la libre entente et la coopération de Kropotkine.
Cette pensée, qui a préexistée à l'ère des tyrannies fascistes, staliniennes et néo-libérales, pose l'entraide, c'est à dire le refus de la concurrence comme un facteur d'évolution en opposition totale avec le darwinisme social socle de toutes les idéologies totalitaires du XXe siècle et cœur jamais assumé du néo-libéralisme.
Elle intègre aussi dès les années 1910, le progrès technique comme un élément émancipateur au service du bien commun.
Cette pensée appelée Écologie Sociale est formalisée dans les années 60 par Murray Bookchin qui montre que les problèmes écologiques naissants découlent des structures de hiérarchies et de dominations inhérentes au système capitaliste de production et de consommation. Dans la continuité de Marx et de Kropotkine, il propose une démocratie structurée autour des municipalités, lieux où le citoyen peut agir concrètement, mais aussi, lieux qui se fédèrent entre eux en contre-pouvoirs vivants.
Avant d'énoncer les principes fondamentaux du projet de société de l'Écologie sociale, laissons parler encore le drame élisabéthain par la bouche de Walter Benjamin qui en 1928 analyse la tragédie comme un mythe politique contemporain qui non seulement révèle la mortalité des corps politiques et montre comment la souveraineté de l'intrigant accélère la décomposition de l'Etat.
En effet, nous constatons la réalité de cette crise des États Nations, qui peinent à maintenir leur légitimité dans des ensembles mondialisés à qui ils ont cédé une part substantielle de leur souveraineté, et qui fait parti du contexte dans lequel il nous faut formuler notre projet. Or cette crise, loin de refonder des politiques nationales autonomes, semble ne laisser aux États, auxquels nous faisons face quotidiennement, qu'un rôle d'application et de répression. La crise de légitimité normative des états nationaux se double de celle des classes dirigeantes libérales qui comme le prophétisait Antonio Gramsci ont perdu le consentement du peuple, qui leur conférait une hégémonie culturelle remplacée par une domination fondé sur la seule coercition.
Nécessité de refonder la perspective politique de la gauche, urgence à corriger des conséquences mortelles du système actuel, impérativité à proposer un raisonnementholistique, volonté de renouer avec les aspirations profondes de l'humanisme, répondre aux disparitions des autorités de référence avant que les monstres ne les remplacent, éliminer les hiérarchies corruptrices des rapports entre humains et avec l'ensemble du vivant, malgré le passage des siècles, il semble que le travail devant nous soit à peine entamé. Il est temps de faire des propositions.

La domination à la source de toutes les destructions
La domination qu'exercent les riches sur les pauvres, les hommes sur les femmes, les vieux sur les jeunes, se prolonge dans la domination que les sociétés fondées sur la hiérarchie exercent sur leur environnement. Et de même que ces relations de domination aliènent les personnes – c'est-à-dire détruisent ou réduisent leur potentialité humaine –, de même ces sociétés hiérar­chiques détruisent la nature. Mener une politique écologique appelle donc une mutation des rapports politiques au sein de la société : « Protéger la nature » suppose l'émancipation sociale.
Dans ce court texte Murray Bookchin décrit non seulement les enjeux de l'Écologie Sociale, mais définit le rapport profond entre l'écologie et le social, voici ses principes fondamentaux :
L'interdépendance et le principe "d'unité dans la diversité". L'écologie sociale cherche à s'opposer à l'uniformisation des êtres et des pensées et veut promouvoir l'apport de la diversité, de l'union organique des différentes parts de la société. Les différences doivent être promues comme apportant une diversité de talent, de points de vue, de styles permettant de faire évoluer la société tout en la rendant plus stable.
La décentralisation : une société d'écologie sociale prendrait la forme d'une confédération de communes décentralisées et liées entre elles par des liens commerciaux et sociaux. Des sources d'énergies renouvelables diversifiées permettraient d'alimenter ces communautés à taille humaine et d'apporter à chacun selon ses besoins.
La démocratie directe : structurée autour du principe d'une forme de communalisme dite municipalisme libertaire, l'écologie sociale prône le développement des assemblées communales, version modernisée du type développé par les Athéniens dans l'Antiquité ou mis en place durant la Commune de Paris pour la prise de décisions politiques. Les décisions concernant la vie de la commune sont discutées et votées à la majorité dans ces assemblées. De même, à l'échelon supérieur, des représentants munis de mandats impératifs, et donc révocables, sont désignés pour aller représenter leur commune lors des assemblées régionales, nationales, etc. C'est un système horizontal, une démocratie populaire non hiérarchique dont les décisions vont de bas en haut et sont prises dans la transparence du face-à-face.
Un renouveau de la citoyenneté : À la base du système d'écologie sociale se trouvent le citoyen et la communauté. Chaque personne doit réapprendre à participer aux choix concernant la vie locale, et pour ce faire, il lui faut réapprendre à proposer et décider en commun. Le citoyen doit redevenir responsable et connaître le minimum lui permettant de prendre une part active dans la gestion de la société, notamment ce qui a une répercussion directe sur sa vie et celle d'autrui.
Une technologie libératrice : L'écologie sociale ne s'oppose pas aux technologies modernes mais est partisane en revanche d'un développement de celles-ci pour les rendre au service de l'être humain. La science doit retrouver son sens moral et se développer pour l'humain et non l'asservir. Les machines et outils modernes doivent devenir multifonctionnels, durables, écologiques et faciles à utiliser ainsi qu'à entretenir. En devenant maître de la technique qu'il utilise, le citoyen pourra se libérer du travail pénible et se concentrer sur l'aspect créatif et positif des tâches.
Une vision sociale du travail : développer les machines a dans l'écologie sociale pour but de libérer l'être humain d'une grande part du travail aliénant (travail en usine), pouvant être fait par des machines, en vue de lui laisser le travail créatif et réduire son temps de travail. Le temps gagné pourrait lui permettre de participer à la vie politique de son quartier et de profiter plus pleinement de la vie sociale. Le modèle s'articule ainsi autour de temps partiels diversifiés, alliant autant que possible travail à l'intérieur et à l'extérieur, intellectuel et concret, etc. Les hiérarchies au travail seront remplacées par des superviseurs ayant pour seul but d'apporter une vision globale sur le travail d'une société.
Le naturalisme dialectique : Le naturalisme dialectique est une philosophie dialectique développée pour servir de base éthique à une société basée sur les principes de l'écologie sociale. Son principe est que « ce qui devrait être » doit servir de base éthique à « ce qui est », sous forme de choix raisonnés.
Ces principes visent à montrer que l'on peut remplacer la société capitaliste, compétitive, centralisée et hiérarchisée par une société coopérative, décentralisée, sous forme de confédération de communes où tout serait pris en charge par les citoyens selon un modèle de démocratie directe. Une société où la propriété serait liée à l'usage, la technologie se verrait conçue pour être maîtrisée par ceux qui l'utilisent et pour ne pas porter atteinte à l'environnement.
Un certain nombre d'éléments de l'Écologie Sociale se retrouvent sans le manifeste fondateur de Génération.s en particulier quand il est fait référence à André Gortz (écosocialisme) et à la réappropriation de la ville, quand il est question de repenser les rapports sociaux ou dans la volonté d'établir une « alternative écologique ». Mais l'écologie sociale peut nous permettre d'aller plus loin dans l'affirmation que si une relation humains/nature a penché vers l'exploitation à outrance, sans égards aux cycles naturels et aux conséquences, c'est parce que la relation humains/humains dysfonctionne. L'idée de dominer la nature découle de la domination de l'humain sur l'humain (de l'homme sur la femme, du riche sur le pauvre, du blanc sur le racisé, du vieux sur le jeune, de celui qui sait sur celui qui n'a pas la connaissance, etc.). Il faut donc résoudre ces problèmes sociaux – que l'écologie sociale analyse comme étant avant tout des problèmes de domination – pour voir émerger une société en relation « organique » et non-destructrice avec la nature. C'est cette ossature de pensée qui nous manque, la lecture structurante ou plus exactement l'holisme dialectique qui nous permettra de réunifier le peuple de gauche, ses valeurs et ses partis. Ce que met en jeu l'écologie sociale, c'est la reconquête de la dimension communautaire du social.
Pas d'objectif sans stratégie Pour mettre en œuvre ce projet, il nous faut mener, dans les 3 ans à venir, une stratégie articulée en deux modalités opératoires.
Les assemblées. D'abord participer à la libération d'espaces physiques, intellectuels, institutionnels, naturels, urbains, provisoires ou permanents à travers des luttes, des initiatives, des élections, des mouvements de la jeunesse, de la désobéissance civile ou politique, des projets écologiques, de transitions pour pouvoir créer des écosystèmes politiques locaux où les assemblées de citoyens puissent produire des plateformes communales de gouvernement.
Cette première phase doit déboucher sur la mobilisation et la conquête d'exécutifs locaux incluant l'engagement de gouverner par assemblées, de façon horizontale, participative sans discriminer ou hiérarchiser en intégrant l'ensemble des dimensions dans les décisions en particulier celles environnementales, de biodiversité ou de transitions énergétiques. Parallèlement au fonctionnement de ces gouvernements organiques, il faudra « fortifier » ces places en les fédérant, et ceci même au-delà des frontières nationales, en partageant des expériences, des ressources, en échangeant, en s'aidant et en prenant position en commun.
Ces phases constituent l'architecture du municipalisme qui rend possible la mise en œuvre rapide et concrète du projet de l'Écologie sociale. Cette première modalité implique que tous les membres du mouvement aient un investissement opérationnel dans les luttes, les associations, les mobilisations, les occupations, les projets citoyens et que cet investissement soit coordonné centralement pour obtenir une image consolidée de l'état des choses. Il est à noter qu'une telle démarche politique suppose que le mouvement se repense de façon décentralisé, toute attitude jacobiniste ou centralisée est en contradiction avec la dimension créatrice, expérimentatrice et autonome de l'écologie sociale.
Les unités. La deuxième modalité est plus politicienne et plus culturelle. Cela a été dit précédemment, la proposition de l'Écologie sociale mise sur des valeurs de bienveillance, d'entraide, constructives en faisant un pari sur le partage et l'engagement des gens. La question de la crédibilité et de la faisabilité ne peut pas ne pas se poser. Il faut donc travailler très vite à des victoires même symboliques, à des ralliements même minoritaires pour donner du corps à la démarche. Parmi ces tâches initiales qui amorceront le processus, la capacité de notre mouvement à produire de l'unité, du rassemblement, du consensus est capitale. Il ne s'agit en aucun cas d'être un trait d'union entre des composantes politiques de la gauche, mais de proposer des constructions unitaires accessibles, concrètes, ouvertes et gagnantes. Génération.s doit être l'agent unificateur en étant soit à l'initiative, soit en relayant ou aidant des projets en cours.
Cette double démarche stratégique même si elle est au service du projet et vise à créer les conditions de sa réalisation, n'est pas un bloc rigide. D'abord, les deux segments se répondent et se pondèrent, ensuite, les projets, les luttes, les espaces libérés se définissent de manière autonome et enfin, les niveaux territoriaux de son application sont redimensionnables et oscillent entre le quartier et l'Europe, entre l'autonomie et la fédération. Ce qui va produire de la cohérence, réside dans la combinaison d'une analyse politique qui replace l'écologie dans un écosystème de rapports sociaux enracinés et historiques avec une capacité de démultiplier les expériences, les actions, les présences, les mobilisations, les assemblées. En effet un des principes actifs de cette stratégie réside dans notre capacité à saturer l'espace de confrontation pour faire reculer culturellement l'idéologie libérale et pour fixer en permanence les classes dirigeantes et leur appareil étatique, les mettre en tension. De façon pacifique mais déterminée, nous devons participer/susciter des événements qui les obligent en permanence à répondre, à se positionner, à dépenser de l'énergie, de l'argent, à se découvrir, à s'emballer, à ne jamais plus profiter de leur position dominante, à faire ressortir leurs tendances réactionnaires et répressives jusqu'à ce qu'ils commettent des erreurs et s'aliènent toujours plus de gens.
Cette stratégie créative et progressive, qui s'appuie sur un projet clair et désirable, doit être phasée. 3 ans, c'est le temps qui nous sépare du prochain point de bascule institutionnel. Le chantier est abyssal, il faut donc imaginer des étapes avant d'entamer l'ultime combat, espérons-le, de la Ve république, les présidentielles de 2022.
Le premier moment est court ; il est constitué des 10 mois qui précèdent les élections municipales. Les 2 modalités stratégiques, les assemblées et les unités sont à combiner pour faire campagne, pour générer de l'engagement pas seulement à visée électorale, pour donner de l'espoir, pour se retrouver et pour gagner les élections ou en tout cas commencer à inverser le rapport de force.
C'est le moment des retrouvailles. Il déborde le second tour des municipales, il court jusqu'à l'automne 2020. Ce qui est en jeu dans ce moment, c'est d'abord la confiance, du peuple de gauche en lui-même, dans ses différents niveaux d'implications, entre les citoyens et les militants, entre les militants politiques et associatifs. Nos comportements seront de ce point de vue déterminants. Ce qui va se nouer aussi dans ce premier moment et qui découle de la dimension psychologique des retrouvailles, c'est la capacité des acteurs à produire du récit, à rallumer une flamme collective, une potentialité de puissance et ceci pour s'en nourrir, mais également pour attirer l'attention des médias qui commenceront à façonner la scène de 2022. La possibilité d'un retournement de situation, (une alliance entre des forces jusqu'à la désunies et par la même d'une victoire surprise) est un scénario qui, s'il est au terme de la séquence promu par les conteurs médiatique, peut accroître grandement nos chances.
Le deuxième moment qui débutera à l'automne 2020 doit se faire sur la lancée d'une confiance retrouvée, les acteurs désormais impliqués solidairement et conscients que ces alliances leur procurent une dignité et une force nouvelle, vont réfléchir aux conditions de réalisation des prochaines confrontations et concevoir ce que pourrait être le contenu partagé d'une alternative politique.
C'est le moment de l'imagination. Le travail de mise en avant que Génération.s aura effectué avec le projet de l'Écologie sociale pendant la campagne, dans les mobilisations, va au cours de cette période trouver tout son sens. Il existe beaucoup de confusion intellectuelle à gauche. La mise en avant des égos n'est pas seule responsable de la faiblesse structurelle de notre courant. La difficulté à décrire les causes systémiques et civilisationnelles des dangers mortels auxquels nous faisons face et donc l'impossibilité de formuler une sortie organisée, pèse pour beaucoup dans l'anémie progressiste.
Notre rôle dans ce moment de projection, c'est la rigueur intellectuelle.
Refuser fraternellement les accommodements des socio-démocrates, leur illusion désespérante dans un compromis historique avec le libéralisme, refuser politiquement les sectarismes qu'ils soient populistes ou environnementalistes, qui se nourrissent de concepts intransigeants, mais marchent souvent seuls devant. Proposer d'organiser le retour du peuple dans l'action et construire avec lui, proposer de rompre avec des comportements qui semblent indépassables, fabriquer les moyens de vivre sans détruire ou blesser, le faire localement et le partager, le relayer.
Voilà notre mission dans ce deuxième moment, refaire de l'utopie l'outil du changement.
Au terme de ce temps qui va durer jusqu'à la fin 2021, il faudra que celles et ceux qui auront structuré une pensée transformatrice et les moyens de l'appliquer s'entendent sur les considérations tactiques du 3e et dernier moment. Un axiome s'impose à nous, lourd de conséquence : si la gauche écologiste n'est pas au second tour des présidentielles de 2020 alors les fascistes probablement alliés à la fraction réactionnaire de la droite, l'emporteront. Le pouvoir actuel va concentrer tellement d'oppositions qu'un mécanisme de front républicain est inenvisageable et cette fois les électeurs de gauche ne sauveront pas la république.
Les classes dirigeantes sont dans un moment délicat, même si en France et en Europe elles ont réussi à retrouver leur domination minoritaire d'avant la Seconde Guerre mondiale y compris en renouvelant drastiquement leurs hérauts, elles restent très prudentes et ont prévu un joker avec les fascistes. Pour nous un second tour Macron/Lepen constituerait plus qu'une défaite, une promesse d'anéantissement. C'est pourquoi l'enjeu du 3e moment de notre stratégie est vitale et repose sur le fait d'avoir un candidat.te unique de la gauche écologiste dès le premier tour.
C'est le moment du choix. En ce qui nous concerne, cela voudra dire qu'à la fin 2021 nous devrons annoncer 2 choses : que nous ne présenterons pas de candidat.te et qui sera celui ou celle qui sera notre champion. Bien sur les circonstances à deux ans ne peuvent être imaginées, mais les blocs sont déjà existants et il ne peut y avoir que 3 options : libéral autoritaire, fasciste recentré, gauche écologiste. Nous devrons mettre tout notre poids et encore plus notre conviction à infléchir les tendances suicidaires, égotiques ou simplement lâches qui vont se manifester dans notre camp et qui risquent de tous nous perdre.
J'ai essayé dans ce texte probablement imparfait et trop dense de décrire un objectif, de tracer une voie et imaginer une méthode. Maintenant, il appartient à la collectivité et pourvu qu'il évolue !
Vous l'aurez compris, pour moi, nous sommes Hamlet, nous nous tenons au milieu de ce qui est une tragédie, mais avec dans nos mains et nos esprits les moyens du dépassement.
« De la folie, mais qui ne manque pas de méthode » s'écrie l'adversaire Polonius à l'écoute du prince du Danemark, c'est je crois ce qu'il nous faut, de la folie pour changer l'Histoire, de la méthode pour y arriver.
Frédéric Kalfon

Origine de la proposition
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