Contribution du Comité local Paris 7/15 (Rapporteur - Arthur WOLFF)
Introduction
L’enjeu de l’obsolescence programmée s’inscrit dans le cadre global du cycle de vie d’un produit. Ce cycle démarre par la conception et la production d’un produit, se poursuit par la vente (incluant tout l’aspect promotionnel), puis la consommation/usage de ce produit et se termine avec la fin de vie de ce même produit (recyclage …). Proclamer la fin de l’obsolescence programmée nécessite une action sur l’ensemble de la chaine de vie d’un objet/produit.
On notera que si l’objectif est la réduction de l’impact environnemental des produits, il est également indispensable de regarder, en plus des impacts du produit lui-même, l’impact du système de production associé (mines, usines, machine outils …) car finalement l’impact environnemental d’un produit inclus également l’impact de ce système productif divisé par le volume de produits fabriqués. On peut raisonner de même pour l’ensemble de la chaine logistique d’acheminement des produits vers le lieu de consommation et la chaine gérant la fin de vie du produit.
De manière globale, il y a un travail de fond à mener sur le cadre général du capitalisme planétaire et du système marchand concurrentiel international qui entretiennent et renforcent la logique de l’obsolescence programmée. Il est également pertinent de mener une transformation de la consommation. L’objectif étant de passer d’une consommation à outrance vers une consommation raisonnée. Cette transformation raisonnée se voulant environnementalement et socialement responsable et limitant l’accumulation excessive/inutile. On agit ainsi à la fois sur les deux aspects du problème, sur l’offre et la demande.
Focus sur un produit de grande consommation – Les vêtements
Nous avons choisi de faire un focus sur ce produit, d’abord car tout le monde en achète et en porte mais également car il est fortement représentatif des problématiques d’obsolescence programmée.
Sur le cycle de vie des vêtements, on constate d’abord qu’ils ont un fort coût environnemental et social associé à la production. La Mode et globalement le système de promotion des vêtements impose un renouvellement permanent alors même que ces vêtements ne sont pas forcément hors d’usage (usage non raisonné). On constate même que la conception contient de l’obsolescence programmé (par exemple, les poches des jeans qui percent rapidement mais qui ne sont jamais renforcées par les fabriquant afin d’obliger le consommateur à racheter régulièrement).
Nos objectifs sur le vestimentaire sont donc de faire augmenter le temps de « portage » des vêtements par les gens et augmenter la durée de vie du vêtement. Cela doit se faire en maintenant de bonnes conditions sociales pour l’ensemble des acteurs du monde du vêtement et dans le respect d’exigences environnementales fortes.
Il nous parait donc pertinent :
- D’imposer dans le prix réel des vêtements le coût des externalités (notamment environnementales et sociales) ce qui permettra également de réduire la consommation à outrance des vêtements. L’argument « social » disant que tout le monde ne pourrait alors pas se vêtir n’est pas valable car il y a une masse énorme de vêtement disponible incluant des prix abordables (ou des dons) pour les foyers les plus modestes.
- Organiser un Grenelle pour le monde de la Mode
- Réguler les offres promotionnelles et encadrer plus fermement la partie promotionnelle (aujourd’hui, on trouve la période des soldes qui est encadrée mais pas le reste, par exemple avec le Blackfriday)
Focus sur la publicité
Le principal problème de la publicité aujourd’hui est qu’elle est le moteur de la consommation de masse, fortement dommageable tant au niveau environnemental que sociale.
En allant plus loin, on pourrait voir la publicité comme une arme de propagande de masse, permettant de manipuler (à minima) les consommateurs, tout en offrant une victoire à celui qui dispose de la meilleure force de frappe médiatique et donc souvent des plus gros moyens financiers. Cela se faisant au détriment de progrès ou d’innovations réelles, révélant ainsi une capacité de manipulation des marchés ou de distorsion de la concurrence allant ainsi à l’opposé même des objectifs premiers du capitalisme.
En France, la publicité représente un marché à plus de 10 Md/€ et pourvoit de nombreux emplois. Elle est également le moyen de générer des revenus pour la presse, TV et de nombreux sites internet. Elle est enfin le moyen pour de nombreux producteurs ou commerçants de générer de l’activité économique.
Il est nécessaire de réduire l’impact global de la publicité. Il parait néanmoins pertinent d’utiliser sa force de frappe et ses outils pour participer à orienter l’économie vers un système socialement et écologiquement durable. La publicité est bien un moyen et non une fin.
Il nous parait donc intéressant d’agir pour, au global, réduire l’impact de la publicité, la réorienter et l’encadrer pour promouvoir uniquement des produits de qualité à tous les niveaux incluant donc la performance mais aussi les critères environnementaux et sociaux.
Nous proposons donc d’abord de revoir la manière dont est faite l’information au consommateur (Cf. focus suivant) pour faciliter sa compréhension du marché et lui permettre de choisir facilement les meilleurs produits suivant des critères qu’il peut maitriser.
Focus sur l’information au consommateur
Vu du consommateur, il doit y avoir une information fiable, complète, et facilement accessible sur les produits achetés. Cette information est forcément différente selon le type de produit, ainsi une machine-outil vendue à un acteur industriel nécessite potentiellement plus de détail que des produits de consommation courante comme les vêtements ou l’alimentaire.
Cette information est indispensable pour répondre au « droit d’information » du consommateur sur ce qu’il achète. La mise à disposition de cette information permet également de donner des leviers pour piloter l’économie ou orienter la consommation vers des choix plus pertinents.
Pour la partie obsolescence programmée, il est essentiel d’inclure de l’information sur la durabilité des produits, le nombre de cycles réalisables ou la durée de vie.
De manière plus détaillée, cette information doit fournir toute l’information autour de l’impact environnemental et social d’un produit sur la totalité de son cycle de vie. Une solution assez simple serait de conditionner les autorisations de mise sur le marché des produits à la transmission de ces informations. Regrouper ensuite ces informations dans un système d’information (par exemple géré par le ministère de l’économie) pour les mettre à disposition du grand public parait une solution technique réaliste et applicable.
Pour la redescente de ces informations, il doit y avoir un affichage, une vue synthétique pour le consommateur afin de ne pas le noyer dans la surinformation. En parallèle, il faut néanmoins lui fournir la totalité des informations concernant le produit.
L’information à mettre à disposition dépend du type de produit (high tech, vêtement, alimentation, …), il faudra alors distinguer quelles sont les informations nécessaires pour chaque type de produit. Il est également essentiel que ces informations soient normées selon le type de produit, pour permettre la comparaison et rendre un tel système compréhensible par tous.
Par exemple, dans l’alimentaire, des propositions de code couleur simplifiées, facile à comprendre, ont déjà été mises en avant et un projet est en cours au niveau Européen. En complément d’un tel système, on pourrait imaginer un flash/QR code qui donnerait accès à la totalité de l’information sur le produit (allant du lieu de production, durée et mode de transport, impact environnemental sur toute la chaine, performance social du produit, qualité nutritive … etc). Ceci permettant alors au consommateur de faire un choix éclairé sur ce qu’il achète et ainsi privilégier les produits les plus durables.
Les labels sont également un sujet important, ils sont (trop) nombreux et surtout très inégaux les uns avec les autres. Cela noie le consommateur dans ses choix et l’empêche de faire un choix éclairé. Il faut donc revoir la manière dont sont attribués les labels et la manière dont ils sont contrôlés pour n’en garder que quelques-uns, très exigeants, et éviter les doublons. Nous proposons donc de réduire le nombre de labels et interdire des labels non certifiés par l’état et d’inclure les associations de consommateur dans la certification des labels. Une supervision globale de l’ensemble des labels serait également pertinente ainsi que des contrôles clairs et complets pour s’assurer que la qualité correspond bien au niveau indiqué.
Parallèlement à ces propositions, un volet éducatif pour sensibiliser les plus jeunes à l’obsolescence programmée mais également aux enjeux connexes (recyclage, réparation, cycle de vie d’un produit …) semble intéressant. Ceci pourrait prendre la forme de cours théoriques mais aussi d’ateliers pratiques, permettant également de montrer aux jeunes ce qu’il est possible de faire soit même.
Focus sur les consignes
La généralisation des consignes sur des produits de consommation courante recyclables permettrait de réduire leur impact. Les contenants liquides (bouteille, canette …) sont déjà consignés dans de nombreux pays avec suivant les cas des systèmes de collecte en accès libre ou dans les points de vente.
Imposer aux vendeurs de devenir « récupérateurs » des consignes permettrait une mise en place assez simple d’un tel système.
On pourrait dans un second temps élargir progressivement ces consignes à l’ensemble des produits industriels, en particulier le high tech, pour aider à structurer la filière recyclage/fin de vie des produits (en gros, imposer la poubelle des objets industriels et construire la chaine logistique qui va avec).
Focus sur le dépannage, la réparation et le SAV
L’obsolescence programmée passe souvent par l’impossibilité ou la difficulté à réparer un produit ou à changer une pièce. Ceci s’explique à la fois par la disparition progressive de pièces de rechange, à cause de l’évolution régulière des produits, ou simplement leur faible nombre quand ce n’est pas l’inexistence totale de pièce de rechange.
Il est également essentiel de rendre le coût de réparation/dépannage plus faible que le remplacement pur et simple du produit.
La conception d’un produit et les normes de conception sont également un enjeu très fort. Il est très pertinent de prévoir dès la conception la manière de réparer le produit pour que ce soit simple et pour permettre à chacun de pouvoir le faire directement. Cela permet l’introduction de plusieurs acteurs sur ce marché et donc de limiter les positions dominantes tout en augmentant l’usage de la réparation. Par exemple, le FairPhone permet à n’importe qui, à partir d’outil « normaux » de remplacer soi-même n’importe quelle pièce de son téléphone (à l’opposé, d’autres acteurs collent certaines pièces ou utilisent des tournevis spéciaux empêchant ainsi un simple consommateur de réaliser son dépannage par lui-même). Un autre exemple, avec les câbles de recharge qui ne sont pas normés imposant ainsi à l’utilisateur de racheter le nouveau modèle à chaque fois qu’il change d’appareil.
Dans le même sens, certains alliages de métaux à très petites échelles (par exemple dans nos appareils électroniques) font que le recyclage devient extrêmement couteux voir non rentable ou même totalement impossible. Mettre en place des normes imposant au constructeur de concevoir des produits suffisamment simples pour pouvoir être recyclés avec les techniques existantes parait donc pertinent. Dans une mesure plus intermédiaire, on pourrait proposer de mettre en place une indication (label, logo) uniquement sur les produits dont le recyclage est possible non seulement théoriquement mais également dans la pratique, c’est-à-dire quand la filière de collecte et de recyclage des produits en fin de vie existe.
Enfin, il faut contrôler plus fortement la filière recyclage pour s’assurer que le recyclage est réellement effectué car il arrive que des produits recyclables ne soit en réalité pas recyclés. Et soit effectué dans de bonnes conditions (une régulation sur l’exportation des déchets serait intéressante à mettre en place).
Quelques propositions :
- Étendre les durées de garantie actuelles de 2 ans à au moins 5 ans (dépend de l’Union européenne - Droit du consommateur)
- Imposer aux fabricants de pouvoir fournir des pièces de rechange à prix raisonnable sur une durée très longue (sur des produits industriel, plusieurs dizaines d’année) en lien avec la durée de vie théorique du produit parait pertinent (quid de la durée de garantie). Afin de pouvoir contrôler cette mise à disposition de pièces de rechange, une totale transparence sur les filières d’approvisionnement est indispensable.
- Faire une campagne de communication autour de l’économie circulaire et sur les moyens de réparer/recycler plus simplement.
- TVA réduite sur les réparations (5,5 %)
- Plan de relance du marché de la réparation pour construire une véritable filière à l’échelle du pays (cela nécessite d’aider les acteurs actuels à se développer mais également de favoriser l’installation de nouveaux acteurs).
- Préemption de locaux vide/inutilisé par les mairies pour permettre l’implantation de nouveau acteur au niveau ultra local comme des ateliers de recyclage, ressourcerie …
- Généraliser l’obligation d’avoir un indice de réparabilité précisant la durée de vie des produits (un projet de loi existe là-dessus) et mettre en place une information sur le dépannage et la réparation des produits industriels.
- Appliquer le principe de polyvalence dans les usines pour qu’elles deviennent capable de s’adapter ou de transformer leur métier et leur appareil productif facilement.
- Imposer une complexité réduite ou des normes de conception sur les produits pour permettre à d’autres acteurs que le producteur initial de participer au marché de la réparation (il est possible de s’appuyer sur la libre concurrence pour imposer ce type de réforme).
Fin.