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Propositions contre le sans abrisme en Europe

FIN DU SANS ABRISME EN EUROPE :

STRATEGIES INTEGREES ET LOGEMENT D'ABORD

Il existe une Europe, méconnue lorsqu'elle n'est pas ignorée, oubliée lorsqu'elle n'est pas méprisée : l'Europe des sans-domicile.

Celle-ci a vu sa population augmenter de manière continue dans la quasi-totalité des pays de l'Union Européenne ces dernières années. Seules la Finlande avec une baisse de 10 % de personnes sans-abri entre 2013 et 2016 et la Norvège avec une diminution de 36% entre 2012 et 2016 ont su mener des politiques efficaces.

Les visages du sans-abrisme évoluent, les enfants devenant le groupe le plus représenté parmi les personnes accueillies dans les hébergements d'urgence, conséquence de la dégradation des conditions de vie des familles les plus vulnérables. Les femmes, les jeunes, les personnes ayant un parcours de migration, les travailleurs pauvres, sont de plus en plus nombreux parmi la population sans-domicile.

RESPECT DES DROITS

L'Europe de la solidarité ce sont des politiques visant à criminaliser les personnes à la rue : des circulaires remettant en cause le principe d'accueil inconditionnel en exerçant une pression accrue sur les centres d'hébergement pour les contraindre à participer à l'identification et à l'expulsion des personnes déboutées du droit d'asile ; des législations définissant le fait de dormir à la rue comme un abus du droit de libre circulation afin d'expulser systématiquement des citoyens en situation de précarité ; l'installation d'aménagements urbains « anti SDF » rivalisant de créativité pour bannir les personnes sans-abri de l'espace public, des réglementations « anti mendicité » etc.

C'est pourquoi nous proposons de reprendre et de porter politiquement la Déclaration des droits des personnes sans abri (Housing Rights Watch, FEANTSA, Fondation Abbé Pierre).

DECLARATION DES DROITS DES PERSONNES SANS ABRI

Article 1 : Le droit au Logement Le premier droit de toute personne sans abri est de cesser de l'être. Toute personne sans abri a le droit d'accéder à un logement. Les services publics et privés permettant l'accès à l'habitat doivent être accessibles à tous. Toute personne sans abri doit pouvoir être accueillie et accompagnée pour faire valoir ses droits, même dans le cadre de la dématérialisation et de la numérisation des services publics.

Article 2 : Le respect du domicile. Tout abri, qu'il soit de fortune ou mis à disposition par une institution publique ou privée, à titre gratuit ou avec contrepartie, constitue le domicile des occupants et doit être reconnu et respecté en tant que tel. Toute personne sans abri a droit à l'intimité et au respect de sa vie privée.

Article 3 : Le respect de ses biens. Nul ne doit subir la destruction ou la rétention de ses biens et de ses effets personnels. Tout habitat, quelle que soit sa forme, et les biens qu'il comprend, doivent être protégés.

Article 4 : Le respect des procédures. Nul ne peut faire l'objet de menaces ou de contraintes de la part d'un propriétaire ou d'un gestionnaire, des forces de l'ordre ou de toute autre personne afin de lui faire quitter le lieu qu'il occupe, y compris une habitation de fortune, un terrain, un centre d'hébergement ou un logement d'insertion. Dans le cas contraire, l'auteur de ces faits est passible de sanctions judiciaires.

Article 5 : Le droit à La domiciliation. Toute personne a droit à une élection de domicile.

Article 6 : La Liberté de se déplacer et de s'installer dans l'espace public Toute personne sans abri a le droit d'utiliser l'espace public pour aller et venir librement et se reposer sans entrave ni limite de temps.Cela inclut notamment les bancs publics, les trottoirs, les parcs, les transports, les bâtiments publics.

Article 7 : Le droit aux pratiques de survie. Toute personne sans abri a droit aux pratiques de survie. La mendicité ou le glanage ne sauraient être interdits ni contingentés à certains espaces.

Article 8 : Le respect des besoins fondamentaux. Toute personne sans abri a droit à l'alimentation et à l'hygiène.Elle doit pouvoir accéder aux équipements et aux services sanitaires de base, notamment à l'eau potable, aux douches, aux toilettes et à l'électricité. Le ramassage des ordures ménagères doit être assuré aux abords des habitats de fortune. Ces services doivent exister en quantité suffisante pour que leur accessibilité ne soit pas un obstacle à l'hygiène et à la santé.

Article 9 : L'accès aux services et aux droits sociaux. Toute personne sans abri a droit au secours et à la sécurité et doit pouvoir bénéficier des « services d'urgence ». Les secours médicaux et la protection des forces de l'ordre doivent être assurés à tous. Toute personne sans abri doit pouvoir bénéficier, si elle le souhaite, d'une prise en charge inconditionnelle et immédiate dans une structure d'urgence. Toute personne sans abri a le droit de bénéficier des services publics. Toute personne sans abri a droit à la protection maladie, à la protection sociale, à la scolarisation. Toute personne sans abri a droit à l'ouverture d'un compte bancaire.

Article 10 : L'interdiction de discriminer. Nul ne peut être discriminé du fait de l'absence de domicile ou de son mode d'habitation.

Article 11 : Le respect du droit de vote. L'organisation des élections doit permettre aux personnes sans abri de s'inscrire sur les listes électorales et d'accéder au vote.

Article 12 : La protection des données personnelles. Les personnes sans abri ont droit au respect de la confidentialitéde leurs données personnelles. Les services sociaux, les centres d'hébergement, et plus globalement l'ensemble des services publics et privés doivent assurer la protection contre la divulgation des informations personnelles.

Article 13 : La participation directe des personnes. Toute personne sans abri a le droit de participer à la conception, à la mise en œuvre et à l'évaluation des politiques publiques qui la concernent et au fonctionnement des services qu'elle fréquente.

Article 14 : La Liberté d'expression culturelle et artistique. Toute personne sans abri a le droit d'accéder et de participer librement à la vie culturelle.

LOGEMENT D'ABORD

La mauvaise foi des responsables politiques tentant de justifier leur incapacité à faire en sorte que le « zéro SDF » proclamé devienne réalité, soi-disant parce que certaines personnes refuseraient d'être logées, voire même profiteraient du système d'aides, est intolérable. Mais elle engendre aussi des politiques inadaptées et contre-productives, niant le droit fondamental au logement. La méconnaissance des causes du mal-logement et des besoins des personnes qui en sont victimes alimente en effet la confusion sur les solutions à mettre en place pour répondre à cette urgence sociale.

Il convient de distinguer hébergement et logement pour comprendre la situation et changer de politique. L'hébergement « d'urgence » permet une mise à l'abri, supposée temporaire, qui en réalité, faute de sortie vers le logement, se transforme en impasse.

Le logement représente le principal facteur d'exclusion lorsqu'il est inaccessible, inadéquat, indigne, précaire ou absent. A l'inverse, seul un logement pérenne constitue un moyen - et non une fin - vers le rétablissement, l'autonomie, la réinsertion sociale, et l'ensemble des droits sociaux.

C'est pourquoi le modèle dit « en escaliers » qui prédomine toujours dans la grande majorité des pays membres, se transforme en une course « au mérite », véritable parcours d'obstacles, fermant la porte du logement pour laisser les individus à durée indéterminée dans l'hébergement. L'impossibilité d'accéder à un logement bloque ainsi « la chaîne » si bien pensée et laisse dans la rue de plus en plus de personnes.

En Europe, a émergé un modèle inverse depuis des années : le logement d'abord. Au lieu de présupposer de la capacité ou de l'incapacité à habiter des personnes, il s'agit de réaffirmer le logement comme un droit fondamental garanti par les traités internationaux et européens, et reloger de manière pérenne toute personne sans domicile, avec un accompagnement adapté aux besoins et non-conditionné par cette capacité à habiter.

STRATEGIES INTEGREES

Le concept de « stratégies intégrées » signifie une politique publique adéquate en matière de sans-abrisme, incluant au moins un objectif chiffré de réduction du phénomène. Ainsi, des modèles passant d'un objectif de gestion à un objectif d'éradication du sans-abrisme, ont démontré leur efficacité, notamment en Finlande. C'est pourquoi l'efficacité des politiques ne doit plus se mesurer en comptant le nombre de places créées en hébergement d'urgence, de mises à l'abri provisoires pendant les plans « grand froid » mais en recensant le nombre de personnes maintenues en logement via la prévention des expulsions et celles sortant de la rue ou de l'hébergement d'urgence pour être logées dignement et de manière pérenne.

Il ne manque qu'une transformation systémique, portée par de réelles volontés politiques, afin d'inverser les courbes du sans-abrisme et d'appliquer enfin les obligations internationales qui incombent aux Etats membres en matière de droit au logement.

D'autant plus qu'un logement pérenne revient moins cher aux collectivités que des nuitées à l'hôtel qui n'enrichissent que les hôteliers, des hébergements créés en urgence, sans compter les coûts en termes de santé, d'éducation, d'aides sociales puisque l'hébergement et les déplacements incessants de lieu en lieu empêchent tout suivi médical, alimentation saine, stabilité scolaire et toute activité professionnelle pérenne, faute de permettre aux personnes et aux familles de se projeter dans l'avenir.

Comment transformer concrètement le logement en droit garanti pour tous et toutes, dans un contexte de raréfaction du logement abordable et d'accroissement des inégalités ?

La lutte contre le sans-abrisme et le mal-logement doit être accompagnée de mesures de transformation des systèmes de logement qui excluent une part grandissante de la population. A l'inverse des politiques menées dans la plupart des pays qui procèdent au démantèlement et à l'affaiblissement des systèmes existants de mise à disposition de logements abordables. Ainsi, des mesures nouvelles et audacieuses à la hauteur des défis actuels doivent être mises en œuvre.

De nombreuses initiatives ont déjà fait preuve de leur efficacité : investissement dans le logement social et très social, usage de la vacance immobilière comme opportunité pour le logement abordable, socialisation du parc locatif privé (Louez Solidaire), intermédiation locative, baux intermédiaires – propriété partagée ou temporaire - coopératives d'habitation, logement modulaire, clauses anti-spéculatives des Community Land Trusts et

Au-delà de la question concrète de la production de logements dignes et abordables, l'ensemble des politiques sectorielles, de santé, d'emploi, de protection sociale, de formation, de migration, de justice, doivent être intégrées à la réflexion et aboutir à une action coordonnée, pour un même objectif : éradiquer le sans-abrisme d'ici 2030 et assurer le droit à un logement adéquat et abordable pour tous, conformément aux objectifs de développement durable établis par l'Agenda 2030 des Nations Unies.

LE RÔLE DE L'EUROPE

Aux yeux des citoyens, la dimension sociale du projet européen a perdu sa crédibilité ces dernières années. Dans un contexte de récession économique globale, les impératifs financiers ont pris le pas sur les impératifs sociaux. Cela s'est vérifié très concrètement pour les citoyens en matière de logement – alors que les banques étaient renflouées, des familles étaient expulsées.

Certes, l'Union européenne n'a pas de compétence exclusive ou spécifique en matière de logement mais de nombreuses politiques menées par l'Union, comme celles relatives à l'inclusion sociale, à la cohésion, à l'énergie, aux migrations, à la régulation financière, à la concurrence, à la santé et aux droits de l'homme y contribuent. L'Europe peut aussi agir en termes de coordination, de suivi et d'accompagnement des Etats Membres dans la réalisation du droit au logement pour tous.

Faire diminuer le nombre de personnes sans-domicile, et à terme éradiquer le sans-abrisme, est un enjeu de politiques publiques. Une stratégie, impliquant la fixation d'objectifs chiffrés et d'actions coordonnées de mise en œuvre, apparaît indispensable. Il s'agit de passer de systèmes de gestion du sans-abrisme, réactifs, de court-terme, aux actions disparates et ponctuelles, à des systèmes de résolution du sans-abrisme, préventifs, de long-terme, aux actions transversales et continues.

L'efficacité des stratégies de lutte contre le sans abrisme selon la Commission européenne repose notamment sur la prévention et l'intervention précoce ; la prestation de services de qualité aux sans-abri ; le relogement rapide ; la collecte systématique de données, la surveillance du phénomène et l'utilisation de définitions communes (typologie ETHOS).

L'Union européenne peut soutenir les mesures prises par les États membres, notamment grâce au financement du Fonds social européen (FSE), du Fonds européen de développement régional (FEDER) et du Fonds européen d'aide aux plus démunis (FEAD).

Plus récemment, le Socle Européen des Droits Sociaux a proclamé vingt principes-clés susceptibles de conférer aux citoyens une protection renforcée de leurs droits sociaux. Le 19ème principe consacre le droit au logement et l'aide aux sans-abri, selon ces termes :

a) Un accès au logement social ou à une aide à un logement de qualité doit être fourni aux personnes dans le besoin.

b) Les personnes vulnérables ont droit à une assistance et une protection appropriées contre les expulsions forcées.

c) Un abri et des services adéquats doivent être fournis aux sans-abri afin de promouvoir leur inclusion sociale.

PARTICIPATION DES USAGERS

L'usager et ses droits se situent au centre de la stratégie c'est pourquoi ils sont le point de départ de toute stratégie de lutte contre le sans-abrisme.

Des groupes spécifiques, aux problématiques propres (les jeunes, les familles, les personnes ayant des problèmes de santé mentale, les personnes sans-domicile de manière chronique, les personnes sortant d'institutions…), doivent se voir proposer des solutions adaptées.

L'approche fondée sur les besoins doit donc également être mise en lien avec une approche participative. Les personnes qui ont l'expérience du sans-abrisme sont les mieux placées pour contribuer à la définition, l'élaboration, la mise en œuvre et l'évaluation des politiques qui les concernent.

L'ensemble des énergies européennes doivent converger vers l'autre Europe, celle des mal-logés et des personnes sans-domicile, dont les rangs grossissent depuis des années et dont les visages se diversifient pour devenir ceux de l'ensemble de la population.

Nous sommes tous concernés : villes, autorités locales, nationales et européennes, et l'ensemble des citoyens.

C'est en mobilisant à la fois les bases légales, une réelle volonté politique et une planification stratégique que l'élimination du sans-abrisme et la lutte contre le mal-logement cessent d'être une utopie, pour devenir des impératifs de dignité humaine, gages de la crédibilité du projet social européen.

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Commentaires 2

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Martine Figard le mardi 12 mars 2019 13:52

Merci pour cet article très complet. Nous allons le publier sur notre groupe Génération.s Un Toit pour Tous

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Merci pour cet article très complet. ;) Nous allons le publier sur notre groupe Génération.s Un Toit pour Tous
Anne JOUBERT le mercredi 13 mars 2019 08:33

Merci beaucoup pour ce commentaire.
Je m'étais inscrite au CT "Un Toit pour Tous" mais je n'ai pas reçu de message de votre part.

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Merci beaucoup pour ce commentaire. Je m'étais inscrite au CT "Un Toit pour Tous" mais je n'ai pas reçu de message de votre part.

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