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Philosophie Pénitentiaire du XXIème siècle

« Ultima Ratio Republican », l'Ultime Recours Républicain. Tel devrait être la définition du Service Public Pénitentiaire. Il s'agit en effet de saisir cette dernière opportunité d'ériger une reconnaissance mutuelle entre l'État et le Citoyen dont l'acte délictuel ou criminel semble démontrer qu'il ne souhaite pas respecter le cadre de nos principes communs. Le fait incriminé relève d'une double responsabilité. Il s'agit tout d'abord de la responsabilité personnelle de l'auteur, indéniable car elle est le fondement même de la peine énoncée par l'Autorité Judiciaire. C'est également, et il faut le reconnaître, l'échec des Institutions à faire adhérer certains citoyens à notre modèle social et donc, in fine, aux Lois de la République.

« Ouvrez des Écoles, vous fermerez des prisons », déclaration forte et puissante de Victor HUGO. Toutefois, l'évolution de notre société doit permettre d'envisager une interaction autre que celle proposait par cet auteur majeur du XIXème siècle. En effet, alors que l'Institution scolaire était le pilier de la IIIème République, cette dernière connaît aujourd'hui une crise et une rupture avec un pan de la jeunesse. Que personne ne se méprenne, l'Éducation Nationale reste le vecteur par excellence d'intégration et d'élévation au sein de notre système. Cependant, nous ne pouvons nier qu'une partie au moins de nos enfants n'arrive pas à s'emparer de cet outil et se retrouve alors ostracisée. En conséquence, je pense qu'il ne faut pas opposer stérilement le concept d'école et de prison mais bien faire de la prison le lieu d'enracinement ultime de la cohésion sociale. L'établissement pénitentiaire doit alors, par sa nature coercitive, favorisait la transmission de valeurs communes. Il ne s'agit pas ici de créer un monstre d'endoctrinement digne d'un état totalitaire mais bien d'arriver à faire émerger des prises de conscience quant à la nécessité d'acquérir certains fondamentaux. Il sera alors essentiel d'être en capacité de mettre à disposition de la population hébergée les outils nécessaires à une réelle insertion sociale. La structure doit être construite sur deux piliers visant à renforcer le capital humain et social de la personne incarcérée. La formation professionnelle, tournée vers des dispositifs qualifiants et offrant de réelles opportunités sur le marché du travail, doit remplacer un travail pénitentiaire qui ne trouve aucun équivalent sur le marché extérieur. Une prise en charge sanitaire médicale, sanitaire et psychologique doit permettre à l'individu de renforcer ses ressources internes afin qu'il puisse affronter les vicissitudes de l'existence de la façon plus adaptée qu'il soit.

La vision répressive et punitive de la détention bâti un plafond de verre qui interdit la pleine mutation de l'Administration Pénitentiaire. Elle ne peut plus, si elle souhaite atteindre la quintessence de sa mission régalienne d'ultime cohésion sociale, se définir et être définie comme la troisième force de sécurité publique de l'État. Elle doit porter fièrement sa singularité. L'Administration Pénitentiaire doit fortifier ses fondements à la croisée de deux nobles entités, l'Éducation et la Santé Publique. Cette chrysalide improbable doit cependant être encouragée par l'ensemble des acteurs publics du pays. Le contexte national nous oblige à cette mutation. La simple neutralisation à temps telle qu'envisager par certains réactionnaires porteurs d'une Pénitentiaire d'un autre temps a dès lors démontré toutes ses limites. L'Administration Pénitentiaire doit être pensé pour renouer le lien déchu avec nos enfants les plus perdus. C'est une main tendue que l'on se doit de proposer et celle-ci doit pouvoir porter une nouvelle alliance. Il faut s'attendre alors, que parfois, cette main soit mordue. Nous ne pouvons cependant pas abandonner la sécurité future de la collectivité pour la sécurité immédiate des établissements pénitentiaires. Nul ne peut ignorer les valeurs de notre République si ces dernières sont portées fièrement et distillées avec bienveillance et exemplarité. C'est seulement en participant à cet ouvrage que l'on pourra s'enorgueillir de contribuer pleinement à la sécurité nationale.

Cependant, comment penser une prise en charge quand les principales problématiques sont la gestion de flux, le nombre de matelas déposés à même le sol et la violence inhérente à tant de promiscuité ? Il n'y a que dans la maîtrise que l'on peut construire convenablement et durablement. Ainsi, l'alternative à l'incarcération doit être la norme et l'emprisonnement l'exception. L'encellulement individuel doit être un principe non négociable. Proclamé par la Loi Bérenger en 1875, cette norme ne doit plus connaître de moratoire. Le numerus clausus des établissements pénitentiaires doit être assuré. Les mesures alternatives à l'incarcération doivent être promues pour les profils ne répondant pas aux structures pénitentiaires. Les placements extérieurs doivent être largement généralisés et le placement sous surveillance électronique redéfini dans son contenu afin qu'il sorte d'une logique purement économique.

Les structures de détention ne peuvent développées une action positive que lorsqu'elles sont usitées dans des conditions optimales. Elles peuvent être pleinement destructrices et criminogènes quand elles deviennent des organismes malades, affirmant la seule neutralisation des personnes incriminées, incapable de penser l'insertion et le développement des citoyens enfermés. Alors définit comme ultima ratio republican pour permettre à la société de faire adhérer l'individu à son cadre social, la prison doit réunir la quintessence de ce que la République porte de plus fort dans ses valeurs, et en premier lieu, le respect de la dignité humaine. Car c'est ici l'essentiel, au-delà de la punition et de l'affliction, au-delà de l'amendement et de la rétribution, le temps d'incarcération doit permettre d'obtenir l'adhésion des personnes condamnées à une société qu'elles ne font pas leur. La prévention de la récidive ne peut prendre pleinement racine que dans le terreau du Vivre Ensemble, de la bienveillance et de la reconnaissance mutuelle. Ainsi le Service Public Pénitentiaire doit devenir le Service Public de la Rencontre et de la Réconciliation entre la Nation et la frange la plus marginale de ses citoyens.

Les personnels pénitentiaires disposent des ressources nécessaires pour porter cette vision. Ils sont de ceux qui s'exposent pour l'intérêt général. Mais l'Administration Pénitentiaire peut-elle recréer seule le lien entre la personne détenue et la communauté ? Il est en effet confortable de laisser cette mission vitale à une seule Administration mais cette déresponsabilisation collective ne peut laisser espérer des résultats notables. A l'instar des quartiers dits « sensibles », c'est bien dans les zones où la République est la plus remise en cause qu'elle se doit d'être la plus présente. Comment penser que l'on puisse faire valoir ses bienfaits sans que des voix fortes et nombreuses ne se proposent pour les porter ? Ainsi il apparaît important de continuer à ouvrir les portes des prisons à tous pour renforcer l'esprit citoyen des personnes incarcérées. Tout comme la santé est confiée au Ministère de la Santé et l'instruction à l'Éducation Nationale, il est primordial de conclure au niveau national et local des partenariats forts autour du Vivre Ensemble et de la Citoyenneté. La respiration de la ville et le souffle de la région ne peut s'arrêter aux portes de l'établissement pénitentiaire. Toute association locale doit s'exprimer à l'intérieur des murs effaçant alors la frontière physique entre le dehors et le dedans. Le tissu collectif ne doit pas s'étioler sur les concertinas et les épinoches. 

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Commentaires 2

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Anne JOUBERT le mardi 26 mars 2019 10:48

Je suis d'accord avec la philosophie générale de ce texte.

Il faudrait cependant des propositions simples et concrètes pour notre programme :
- fin de la construction infinie de places car on les remplit immédiatement sans résoudre la surpopulation
- développement des alternatives à la privation de liberté (bracelet électronique, travail le jour, TIG etc.) comme diverses lois le prônent mais qui ne sont pas assez appliquées par les juges
- conditions de vie dignes et application du principe de cellule individuelle
- accès à la formation pour tous et au travail sans que ceux-ci soient supprimés comme "punition"
- renforcement des activités sportives et culturelles et ouverture plus large à des associations (avec financements adéquats)
- revalorisation du salaire des surveillants, formation pour favoriser la logique d'insertion plutôt que de répression et augmentation du personnel de l'AP pour des conditions de travail correctes au bénéfice des agents comme des détenus
- refus du changement de la loi pour les mineurs et priorité donnée à l'éducation, renforcement des moyens de la PJJ dans tous les départements et de ceux des juges pour enfants pour mettre en oeuvre les mesures de prévention au plus tôt et sans attendre qu'il soit trop tard
- attention particulière aux femmes détenues, notamment concernant le lien avec leurs enfants
- préparation très en amont de la sortie (renforcement des SPIP) en lien avec les associations et acteurs de l'extérieur afin d'offrir à chaque sortant.e un lieu de logement/hébergement et un emploi/formation

Bref, remettre de l'humain dans le milieu carcéral.

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Je suis d'accord avec la philosophie générale de ce texte. Il faudrait cependant des propositions simples et concrètes pour notre programme : - fin de la construction infinie de places car on les remplit immédiatement sans résoudre la surpopulation - développement des alternatives à la privation de liberté (bracelet électronique, travail le jour, TIG etc.) comme diverses lois le prônent mais qui ne sont pas assez appliquées par les juges - conditions de vie dignes et application du principe de cellule individuelle - accès à la formation pour tous et au travail sans que ceux-ci soient supprimés comme "punition" - renforcement des activités sportives et culturelles et ouverture plus large à des associations (avec financements adéquats) - revalorisation du salaire des surveillants, formation pour favoriser la logique d'insertion plutôt que de répression et augmentation du personnel de l'AP pour des conditions de travail correctes au bénéfice des agents comme des détenus - refus du changement de la loi pour les mineurs et priorité donnée à l'éducation, renforcement des moyens de la PJJ dans tous les départements et de ceux des juges pour enfants pour mettre en oeuvre les mesures de prévention au plus tôt et sans attendre qu'il soit trop tard - attention particulière aux femmes détenues, notamment concernant le lien avec leurs enfants - préparation très en amont de la sortie (renforcement des SPIP) en lien avec les associations et acteurs de l'extérieur afin d'offrir à chaque sortant.e un lieu de logement/hébergement et un emploi/formation Bref, remettre de l'humain dans le milieu carcéral.
Paul De Saint Charmel le jeudi 13 juin 2019 12:34

Bjr,

si l'on veut avoir une réflexion et des propositions concrètes sur la pénitentiaire il faut aborder le sujet sans angélisme et accepter que comme dans la population extérieure, les détenus ne sont pas tous uniformes, de même nature et que par conséquent la réponse doit varier suivant l'individu et son parcours personnel.

Deux aspects très différents mais indissociables sont a prendre en compte dans la vie en détention, le détenu, et le personnel de l'administration pénitentiaire.

Pour le personnel il faut savoir que actuellement sa première préoccupation c'est sa santé et son intégrité physique.
Sa santé car le manque de surveillant (lié à la non attractivité du métier plus qu'aux restrictions budgétaires), les forces à des rythmes de travail déstructurant socialement et mentalement. Comment s'occuper des autres quand soit même on est pas en état.
Son intégrité physique car les agression des personnels sont leur quotidien (nous pourrons débattre plus tard du pourquoi mais c'est un fait à prendre en compte), comment exercer n métier que l'on fait la peur au ventre.
Les conditions sont donc loin d'être réunies pour qu'ils puissent remplir pleinement leurs missions de garde et d’exécution de la peine mais aussi et surtout de réinsertion.

Pour les détenus, il faut les aborder de manière multiple si l'on veut apporter une réponse cohérente et constructive à leur problématique.
On ne peut donner la même réponse à un détenu présent pour violence extrême, barbarie et un délinquant de la route ou cambriolage.
Il faut aussi accepter que nos prisons ne soient plus classifiés par longueurs de peine a exécuter mais par rapport aux type de détenus que l'on doit gérer.

Les bases étant posées, quelles propositions maintenant.

rendre le métier attractif : revalorisation forte des salaires (à commencer par les plus bas. Actuellement le recrutement se fait sur un niveau Brevet des collèges avec une note de 5 au concours). Pourquoi ? Et bien parce que personne ne veut faire ce métier, risquer sa vie se faire insulter agresser, menacer pour 1466 euros à Paris ou loin de chez soit n'attire personne.
Plus de personnels pour des rythmes de travail plus humains et moins usant physiquement. L’espérance de vie d'un surveillant de coursive c'est 65 ans ...
Sécuriser leur travail en adaptant la prise en charge des détenus suivant leur dangerosité et leur problématique.
Plus disponible et mieux dans leur travail ils pourront se consacrer pleinement à leur missions y compris la réinsertion.

Changer la classification des établissements non plus par peine à effectuer, mais en fonction du détenu et l’exécution de sa peine. ce qui n’empêche pas dans chaque cas de viser un projet de sortie.

Possibilité d'encellulement individuel; accès aux soins, à l’éducation, la formation qualifiante à une vie sociale.

Prendre en charge les pathologies des détenus, souvent la prison ne répond en rien à leur problématique.

Comme toujours la liste est sans fin.

Mais avant tout il faut remettre en état de fonctionnement les outils que sont les personnels et les structures pour qu'ils pissent à tous les niveaux apporter des réponses adaptés aux problématiques des détenus, sans ça on aura beau annoncer une volonté des idées, on n'aura pas les moyens de changer quoi que se soit.

A débattre ...

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Bjr, si l'on veut avoir une réflexion et des propositions concrètes sur la pénitentiaire il faut aborder le sujet sans angélisme et accepter que comme dans la population extérieure, les détenus ne sont pas tous uniformes, de même nature et que par conséquent la réponse doit varier suivant l'individu et son parcours personnel. Deux aspects très différents mais indissociables sont a prendre en compte dans la vie en détention, le détenu, et le personnel de l'administration pénitentiaire. Pour le personnel il faut savoir que actuellement sa première préoccupation c'est sa santé et son intégrité physique. Sa santé car le manque de surveillant (lié à la non attractivité du métier plus qu'aux restrictions budgétaires), les forces à des rythmes de travail déstructurant socialement et mentalement. Comment s'occuper des autres quand soit même on est pas en état. Son intégrité physique car les agression des personnels sont leur quotidien (nous pourrons débattre plus tard du pourquoi mais c'est un fait à prendre en compte), comment exercer n métier que l'on fait la peur au ventre. Les conditions sont donc loin d'être réunies pour qu'ils puissent remplir pleinement leurs missions de garde et d’exécution de la peine mais aussi et surtout de réinsertion. Pour les détenus, il faut les aborder de manière multiple si l'on veut apporter une réponse cohérente et constructive à leur problématique. On ne peut donner la même réponse à un détenu présent pour violence extrême, barbarie et un délinquant de la route ou cambriolage. Il faut aussi accepter que nos prisons ne soient plus classifiés par longueurs de peine a exécuter mais par rapport aux type de détenus que l'on doit gérer. Les bases étant posées, quelles propositions maintenant. rendre le métier attractif : revalorisation forte des salaires (à commencer par les plus bas. Actuellement le recrutement se fait sur un niveau Brevet des collèges avec une note de 5 au concours). Pourquoi ? Et bien parce que personne ne veut faire ce métier, risquer sa vie se faire insulter agresser, menacer pour 1466 euros à Paris ou loin de chez soit n'attire personne. Plus de personnels pour des rythmes de travail plus humains et moins usant physiquement. L’espérance de vie d'un surveillant de coursive c'est 65 ans ... Sécuriser leur travail en adaptant la prise en charge des détenus suivant leur dangerosité et leur problématique. Plus disponible et mieux dans leur travail ils pourront se consacrer pleinement à leur missions y compris la réinsertion. Changer la classification des établissements non plus par peine à effectuer, mais en fonction du détenu et l’exécution de sa peine. ce qui n’empêche pas dans chaque cas de viser un projet de sortie. Possibilité d'encellulement individuel; accès aux soins, à l’éducation, la formation qualifiante à une vie sociale. Prendre en charge les pathologies des détenus, souvent la prison ne répond en rien à leur problématique. Comme toujours la liste est sans fin. Mais avant tout il faut remettre en état de fonctionnement les outils que sont les personnels et les structures pour qu'ils pissent à tous les niveaux apporter des réponses adaptés aux problématiques des détenus, sans ça on aura beau annoncer une volonté des idées, on n'aura pas les moyens de changer quoi que se soit. A débattre ...

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