Par Alexandre Beaufond le dimanche 24 février 2019
Catégorie: Nouveau modèle économique

Philosophie Pénitentiaire du XXIème siècle

« Ultima Ratio Republican », l'Ultime Recours Républicain. Tel devrait être la définition du Service Public Pénitentiaire. Il s'agit en effet de saisir cette dernière opportunité d'ériger une reconnaissance mutuelle entre l'État et le Citoyen dont l'acte délictuel ou criminel semble démontrer qu'il ne souhaite pas respecter le cadre de nos principes communs. Le fait incriminé relève d'une double responsabilité. Il s'agit tout d'abord de la responsabilité personnelle de l'auteur, indéniable car elle est le fondement même de la peine énoncée par l'Autorité Judiciaire. C'est également, et il faut le reconnaître, l'échec des Institutions à faire adhérer certains citoyens à notre modèle social et donc, in fine, aux Lois de la République.

« Ouvrez des Écoles, vous fermerez des prisons », déclaration forte et puissante de Victor HUGO. Toutefois, l'évolution de notre société doit permettre d'envisager une interaction autre que celle proposait par cet auteur majeur du XIXème siècle. En effet, alors que l'Institution scolaire était le pilier de la IIIème République, cette dernière connaît aujourd'hui une crise et une rupture avec un pan de la jeunesse. Que personne ne se méprenne, l'Éducation Nationale reste le vecteur par excellence d'intégration et d'élévation au sein de notre système. Cependant, nous ne pouvons nier qu'une partie au moins de nos enfants n'arrive pas à s'emparer de cet outil et se retrouve alors ostracisée. En conséquence, je pense qu'il ne faut pas opposer stérilement le concept d'école et de prison mais bien faire de la prison le lieu d'enracinement ultime de la cohésion sociale. L'établissement pénitentiaire doit alors, par sa nature coercitive, favorisait la transmission de valeurs communes. Il ne s'agit pas ici de créer un monstre d'endoctrinement digne d'un état totalitaire mais bien d'arriver à faire émerger des prises de conscience quant à la nécessité d'acquérir certains fondamentaux. Il sera alors essentiel d'être en capacité de mettre à disposition de la population hébergée les outils nécessaires à une réelle insertion sociale. La structure doit être construite sur deux piliers visant à renforcer le capital humain et social de la personne incarcérée. La formation professionnelle, tournée vers des dispositifs qualifiants et offrant de réelles opportunités sur le marché du travail, doit remplacer un travail pénitentiaire qui ne trouve aucun équivalent sur le marché extérieur. Une prise en charge sanitaire médicale, sanitaire et psychologique doit permettre à l'individu de renforcer ses ressources internes afin qu'il puisse affronter les vicissitudes de l'existence de la façon plus adaptée qu'il soit.

La vision répressive et punitive de la détention bâti un plafond de verre qui interdit la pleine mutation de l'Administration Pénitentiaire. Elle ne peut plus, si elle souhaite atteindre la quintessence de sa mission régalienne d'ultime cohésion sociale, se définir et être définie comme la troisième force de sécurité publique de l'État. Elle doit porter fièrement sa singularité. L'Administration Pénitentiaire doit fortifier ses fondements à la croisée de deux nobles entités, l'Éducation et la Santé Publique. Cette chrysalide improbable doit cependant être encouragée par l'ensemble des acteurs publics du pays. Le contexte national nous oblige à cette mutation. La simple neutralisation à temps telle qu'envisager par certains réactionnaires porteurs d'une Pénitentiaire d'un autre temps a dès lors démontré toutes ses limites. L'Administration Pénitentiaire doit être pensé pour renouer le lien déchu avec nos enfants les plus perdus. C'est une main tendue que l'on se doit de proposer et celle-ci doit pouvoir porter une nouvelle alliance. Il faut s'attendre alors, que parfois, cette main soit mordue. Nous ne pouvons cependant pas abandonner la sécurité future de la collectivité pour la sécurité immédiate des établissements pénitentiaires. Nul ne peut ignorer les valeurs de notre République si ces dernières sont portées fièrement et distillées avec bienveillance et exemplarité. C'est seulement en participant à cet ouvrage que l'on pourra s'enorgueillir de contribuer pleinement à la sécurité nationale.

Cependant, comment penser une prise en charge quand les principales problématiques sont la gestion de flux, le nombre de matelas déposés à même le sol et la violence inhérente à tant de promiscuité ? Il n'y a que dans la maîtrise que l'on peut construire convenablement et durablement. Ainsi, l'alternative à l'incarcération doit être la norme et l'emprisonnement l'exception. L'encellulement individuel doit être un principe non négociable. Proclamé par la Loi Bérenger en 1875, cette norme ne doit plus connaître de moratoire. Le numerus clausus des établissements pénitentiaires doit être assuré. Les mesures alternatives à l'incarcération doivent être promues pour les profils ne répondant pas aux structures pénitentiaires. Les placements extérieurs doivent être largement généralisés et le placement sous surveillance électronique redéfini dans son contenu afin qu'il sorte d'une logique purement économique.

Les structures de détention ne peuvent développées une action positive que lorsqu'elles sont usitées dans des conditions optimales. Elles peuvent être pleinement destructrices et criminogènes quand elles deviennent des organismes malades, affirmant la seule neutralisation des personnes incriminées, incapable de penser l'insertion et le développement des citoyens enfermés. Alors définit comme ultima ratio republican pour permettre à la société de faire adhérer l'individu à son cadre social, la prison doit réunir la quintessence de ce que la République porte de plus fort dans ses valeurs, et en premier lieu, le respect de la dignité humaine. Car c'est ici l'essentiel, au-delà de la punition et de l'affliction, au-delà de l'amendement et de la rétribution, le temps d'incarcération doit permettre d'obtenir l'adhésion des personnes condamnées à une société qu'elles ne font pas leur. La prévention de la récidive ne peut prendre pleinement racine que dans le terreau du Vivre Ensemble, de la bienveillance et de la reconnaissance mutuelle. Ainsi le Service Public Pénitentiaire doit devenir le Service Public de la Rencontre et de la Réconciliation entre la Nation et la frange la plus marginale de ses citoyens.

Les personnels pénitentiaires disposent des ressources nécessaires pour porter cette vision. Ils sont de ceux qui s'exposent pour l'intérêt général. Mais l'Administration Pénitentiaire peut-elle recréer seule le lien entre la personne détenue et la communauté ? Il est en effet confortable de laisser cette mission vitale à une seule Administration mais cette déresponsabilisation collective ne peut laisser espérer des résultats notables. A l'instar des quartiers dits « sensibles », c'est bien dans les zones où la République est la plus remise en cause qu'elle se doit d'être la plus présente. Comment penser que l'on puisse faire valoir ses bienfaits sans que des voix fortes et nombreuses ne se proposent pour les porter ? Ainsi il apparaît important de continuer à ouvrir les portes des prisons à tous pour renforcer l'esprit citoyen des personnes incarcérées. Tout comme la santé est confiée au Ministère de la Santé et l'instruction à l'Éducation Nationale, il est primordial de conclure au niveau national et local des partenariats forts autour du Vivre Ensemble et de la Citoyenneté. La respiration de la ville et le souffle de la région ne peut s'arrêter aux portes de l'établissement pénitentiaire. Toute association locale doit s'exprimer à l'intérieur des murs effaçant alors la frontière physique entre le dehors et le dedans. Le tissu collectif ne doit pas s'étioler sur les concertinas et les épinoches. 

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