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  dimanche 23 juin 2019
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Il est certes toujours facile de dire après coup ce qu'il aurait fallu faire. Et ce sera sans doute encore plus facile dans quelques mois, lorsque le recul sera suffisant pour une mise en perspective éclairante. Néanmoins, dès le début de la campagne, des questions se sont posées aux militants que nous sommes qui avaient besoin de réponses pour articuler leur discours sur le terrain. Quelle idée simple et percutante de l'Europe défendions-nous et qui nous différenciait des autres? Une Europe sociale et écologique ? D'autres partis de gauche étaient sur la même ligne. Un programme paneuropéen ? Rien dans les affiches ni le slogan de campagne ne nous y ramenait. On disait un peu de tout mais il nous manquait un axe percutant et facilement identifiable par les électeurs. Aucune stratégie claire n'est apparue. Aucun concept fort n'a émergé. Là où d'autres partis se sont positionnés clairement, que ce soit en rempart du RN, ou en nationalistes protectionnistes, ou en écolos historiques au-dessus des partis, bref, là où certains ont laissé voir une colonne vertébrale autour de laquelle ils pouvaient agréger leur programme et développer leur discours de façon cohérente, G.s s'est éparpillé et n'a pas su installer son identité. Nous avions pourtant un concept formidable avec ce programme transnational : il est resté invisible. Le slogan « Vive l'Europe libre ! » ne disait pas grand-chose en soi, en tout cas ne disait pas l'originalité et la nouveauté que représente le Printemps Européen. Pourquoi le clip de la campagne officielle n'a-t-il pas joué la carte paneuropéenne, l'alliance des partis sur un programme commun à travers les frontières ? Un clip commun à tous les partis européens qui défendaient le Printemps Européen semblait pourtant une évidence. Un meeting de fin de campagne à Bruxelles rassemblant tous les protagonistes, aussi. (Plutôt qu'en lancement de campagne, à un moment où ni les médias ni les électeurs ne s'intéressaient encore aux européennes.) On sait bien que ces clips officiels n'ont aucun impact réel sur une campagne électorale, mais ils sont le reflet d'une stratégie de communication et c'est en cela qu'il est intéressant de les analyser. Idem pour la charte visuelle qui changeait selon les événements et les régions, comme un changement permanent d'identité, résultat probable d'une organisation et d'une coordination insuffisantes. Sans oublier l'image du punching ball partagée jusqu'à l'écoeurement sur les réseaux sociaux, sorte de geste désespéré d'un combat qui n'a pas vraiment eu lieu.

Ce manque de visibilité n'est évidemment pas entièrement imputable à une stratégie incertaine. Nous avons aussi été sérieusement handicapés par les médias qui ne nous ouvraient que la toute petite porte de service. Mais alors pourquoi n'avons-nous pas été capables de nous frayer d'autres chemins ? Lesmédias généralistes nationaux ne voulaient pas de nous ? Que ne sommes-nous allés voir les autres, les magazines de contre-culture, les Têtu, i-D, Nova et autres ! Que n'avons-nous ciblé nos interventions ! Que ne sommes-nous allés parler d'agriculture bio et de subventions européennes dans France Agricole, de financement de la culture dans Art Presse, d'un Erasmus universel dans les radios musicales, du financement du Green New Deal dans la presse économique et financière ou des droits des femmes dans la presse féminine ! On veut être la troisième voie, celle qui offre autre chose que la désespérance du nationalisme et le cynisme du libéralisme ? Communiquons différemment !

Un sentiment d'amateurisme domine, renforcé par certains candidats sans grande épaisseur qui semblaient être là uniquement pour la photo, alors que plus loin derrière eux se détachaient pourtant des personnalités fortes et intéressantes. Se pose bien sûr la question de la présence de BH en tête de liste. A tort ou à raison il traîne une image de looser depuis la Présidentielle, image qui a entaché la crédibilité de notre campagne européenne. Les gens l'aiment bien mais ne lui font pas confiance, pour l'instant, pour porter leurs idées. Sa présence sur la liste à une place purement symbolique, et non en tête de liste, aurait permis de faire émerger de nouvelles têtes et sans doute de contrer plus facilement l'idée selon laquelle G.s ne serait qu'un PS bis. (Cf le débat du 4 avril sur France 2)


QUELLE STRATEGIE​ ?

Comment fait-on de la politique aujourd'hui ? La représentation que l'on avait des partis politiques appartient déjà à une autre ère. Les moyens de communication politique aussi. Les réseaux sociaux, on l'a vu avec les Gilets Jaunes, ont fait émerger, pour le meilleur et pour le pire, une nouvelle forme de prise de parole et de possession du champ politique. En 2008, ce sont les données facebook recueillies par un cabinet d'analyse qui ont permis à Obama de prendre le pouls du pays et de construire son programme, outil désormais utilisé –là encore pour le meilleur et pour le pire- par Trump, Macron, Mélenchon, Fillon etc. Qu'a fait Macron pendant la campagne de 2017 ? Il a cassé les codes de la communication politique. Il l'a ubérisée en court-circuitant les relais habituels. Il a fait du marketing électoral de haute précision puis s'est entouré d'une véritable équipe de com intégrée qui a fonctionné comme une agence : copy-strategy, brief, création. Quant au FN, peu présent –à l'époque- dans les médias traditionnels, il a contourné ce handicap en utilisant le web, ce qui lui permet d'avoir désormais des réseaux en ligne avec une force de frappe considérable. Qu'on le veuille ou non, plus rien ne sera comme avant. Faire de la communication politique en 2019, c'est se mettre à l'heure de l'information qui circule plus vite que la pensée, à l'heure du buzz, des fake news, de la caricature qui a remplacé le portrait, du raccourci qui fait office d'analyse, de la petite phrase qui évite d'écouter les longs discours. Tous ces petits désastres qui dessinent un aspect peu ragoûtant de notre civilisation, nous ne pouvons pas les ignorer et continuer comme si rien n'était arrivé. Ça demande une vision et une stratégie. Ça demande d'être capable de sortir des schémas de pensée formatés par les écoles de com. Ça demande de maîtriser les enjeux de communication de crise sur le web. Ça demande d'oublier les réflexes des vieux partis, d'abandonner les archaïsmes sémantiques et les éléments de langage produits par des gens qui n'ont probablement jamais mis les pieds en dehors du périphérique parisien. Ça demande de l'adaptation, de la transgression, de la réactivité. Ça demande de la créativité et de l'audace. 

Et nous, à force de prôner la vertu, nous sommes passés complètement à côté de l'énergie et du tourbillon médiatique de la campagne. Un appel aux dons ciblé via les réseaux sociaux ? Apparemment trop vulgaire pour nous. Une réaction rapide et précise comme un raid aérien pour protester contre la non-invitation de BH aux principaux débats ? Apparemment trop agressif pour notre bienveillance. Nous avons préféré nous victimiser, là où il aurait fallu mordre tout de suite. Nous pratiquons la bienveillance non comme une vertu mais comme un dogme. Lorsqu'on est un petit parti, ce n'est pourtant pas en chantant autour d'un feu de camp qu'on peut faire avancer ses idées, mais en menant une guerilla permanente sur tous les fronts (ce qui est le principe de la guerilla : partout, à n'importe quel moment, par surprise). « La politique est la continuation de la guerre par d'autres moyens» disait Michel Foucault. Ce qui n'exclut pas, heureusement, la déontologie, le respect des personnes et l'élégance des idées et des propos. (Les trolls qui ont traîné Aurore Lalucq dans la boue sur les réseaux sociaux ne se rendaient pas compte qu'ils renvoyaient l'image d'un parti rancunier, revanchard et peu élégant. C'était navrant et contreproductif.) Au lieu de ça, on s'affiche tout sourire aux côtés d'une starlette américaine botoxée de série b pour parler de justice sociale, de l'accès aux soins, de l'accueil des réfugiés, de lutte contre les lobbies, de la toute puissante BCE, du sauvetage du climat et de la bataille pour les producteurs bio contre les grands groupes alimentaires… Pamela Anderson en soutien de Benoît Hamon : ce n'est pas être méprisant que de penser qu'on aurait pu aller chercher des people et des artistes un peu plus crédibles. Curieux d'ailleurs de constater que les people ne se sont pas engagés dans cette campagne. On avait pourtant de quoi les interpeler avec la protection des biens communs culturel versus la privatisation des institutions culturelles, la protection des droits des artistes, la garantie de tous leurs droits sociaux lorsqu'ils travaillent pour des institutions publiques, la gratuité de l'accès aux institutions culturelles pour les moins de 25 ans et les plus de 60 ans, le développement d'une culture commune européenne via un média public multiculturel qui diffuserait dans toute l'UE, etc. Des people ont-ils au moins été sollicités par G.s ? Un Vincent Lindon par exemple, très concerné par les politiques sociales et qui se serait affiché à un meeting de BH, aurait été un bon renfort et aurait sûrement amené quelques articles de presse supplémentaires.

QUELLE IDENTITE ?

Ce cruel déficit d'image et de visibilité de la campagne du Printemps Européen ne peut pas être analysé comme si il n'y avait pas eu un avant les élections : celui de la création et de l'installation de Génération.s dans l'univers politique. Et c'est sans doute là que le bât blesse le plus. Car comment avoir une stratégie de communication claire au moment des élections, si l'identité du parti n'est pas déjà bien installée ?

La communication politique, ce n'est pas seulement parler de ses idées, de son programme. C'est aussi créer de l'émotion ou du moins un sentiment (désir, espoir, soulagement, confiance, peur etc.), c'est enrichir l'imaginaire pour que le message soit juste et légitime. Ce n'est pas imposer son point de vue mais donner à l'autre des clés pour qu'il forge sa propre conviction. La « compol » met en scène des valeurs collectives et porteuses. Elle témoigne de l'engagement, des valeurs et de la vision d'un parti. Lorsqu'en 1961 Kennedy prononce son fameux « Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays », il réussit en une phrase à formuler les aspirations et les valeurs les plus profondes des américains. Il crée du commun et un sentiment d'appartenance.

Chaque mouvement a son ADN. Quel est celui de Génération.s ? Non pas en un programme, non pas en dix lignes, mais en une phrase ? « L'espoir revient », ce n'est pas un ADN, c'est au mieux une promesse floue qui ne mange pas de pain… et donc qu'à peu près n'importe quel parti peut faire. Ce genre de slogan n'exprime rien de l'identité réelle de G.s. Il paraît urgent que les responsables du Mouvement réfléchissent (ou donnent à réfléchir à des professionnels) à une communication institutionnelle forte, originale, pérenne, et constitutive de l'identité et des valeurs de Génération.s.

Marie Champarnaud, membre du comité G.s de Sarlat

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