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Education populaire

Si nous sommes nombreux à nous accorder sur le fait que les lieux culturels sont des espaces de savoir, de vie, d'échanges, de débats, de mixité, ils ne sont pas pour autant protégés, loin de là.
Si la culture est un droit, comme le rappellent de multiple textes français et internationaux : Déclaration de Mexico sur les Politiques Culturelles (1982), Déclaration des Droits de la Culture (Paris, 1987), Déclaration de Fribourg sur les Droits culturels (2007), etc., pour autant, la traduction en termes de politiques publiques fait encore très largement défaut.
Enfin, si l'objectif est de réaffirmer que les arts et la culture sont un projet de société, que les politiques culturelles ne sont ni un privilège ni un luxe, qu'elles sont fondamentales et nécessaires, force est de constater que l'espace qui leur est réservé dans les débats médiatiques et politiques est de plus en plus décevant.

A défaut de « dresser un état des lieux de la culture aujourd'hui », je voudrais plutôt vous livrer mon inquiétude autour de la disparition à petit feu d'un secteur, particulièrement perçu comme le « vieux monde », celui de l'éducation populaire. Aujourd'hui, ce monde s'éteint, acculé. Son langage est galvaudé et plus personne ne semble vouloir le comprendre : émancipation, esprit critique, vitalité démocratique, etc., des mots usités mais devenus vides de sens .

Au départ, comme l'explique Jean-Claude Richez : « l'éducation populaire procède d'une double démarche qui favorise l'accès du plus grand nombre à la culture (à la culture comme condition d'exercice de la citoyenneté), en même temps qu'elle met en commun des savoirs et des compétences (la notion d'enseignements mutuels et d'éducation active est consubstantielle au programme et à la démarche d'éducation populaire) » . Dans ce sens, Michel Durafour , fervent défenseur de l'éducation populaire, estimait en 1963 que, étant donné que « la culture est le complément naturel de l'école », les subventions à l'éducation et à la culture devraient être identiques . Un tel discours peu faire sourire aujourd'hui.
Pourtant, cette vision n'est pas infondée, car où peuvent réellement se dérouler les débats si ce n'est au cœur des espaces culturels ? Quels meilleurs endroits que ces derniers pour stimuler et émanciper les esprits ? En dehors des transports publics et des espaces commerciaux, il existe peu de lieux où tout un chacun se rencontre, peu de lieux aussi favorables et propices que les espaces culturels pour porter le débat citoyen que nous désirons.
En cela, le programme présidentiel de Benoît Hamon était porteur : il permettait une articulation novatrice des vies sur la base du RUE, en réponse aux grandes mutations de nos temps. Je constate que de nombreux acteurs de l'éducation populaire se sont retrouvés dans cette approche, sans doute davantage même que ceux du secteur purement artistique.

Dans les faits, logique mercantile et éducation populaire cohabitent difficilement. Et de nos jours, la vision fondamentale de la culture comme garante du bon fonctionnement démocratique est brisée. Les acteurs culturels et associatifs ne parviennent plus à faire entendre, voire à défendre ce qu'ils font, ils occupent pourtant des missions de service public et favorisent l'exercice de la citoyenneté.
Evaluation à outrance, logique quantitative permanente, remplacement des subventions de fonctionnement par des subventions de projet, etc. Il ne s'agit que de petites respirations, de plus en plus hachées, menant tout droit à l'asphyxie.
Dans ce sens, la disparition de plus en plus systématique des subventions de fonctionnement au profit des subventions par projet est désastreuse. Ces financements par projet, forcément parcellaires, tuent le secteur associatif et artistique qui se retrouve dans une instabilité permanente et perd bien souvent du temps en montage de dossiers financiers, au détriment du cœur de son objet créatif ou associatif et de son lien aux populations locales. Cela va sans dire que l'ensemble du secteur culturel est largement impacté par cette pression au projet, qui nuit très directement au travail de long terme. Il faut sortir des critères purement quantitatifs inadaptés à l'objet culturel et à ses impacts, par nature lents, qualitatifs et aléatoires.
Et je n'évoque même pas la fameuse « philanthropie » des mécènes et des fondations, vers lesquels nous sommes systématiquement renvoyés, comme si cela était sans conséquence …

A cet égard, le Maire de Grenoble, Eric Piolle (EELV) s'est inscrit dès le début de son mandat (2014) dans cette optique de désengagement : « je prône un modèle de sobriété et de frugalité, notre objectif, c'est d'avoir des activités économiques correspondant à nos besoins fondamentaux (mobilité, sécurité, éducation, alimentation) » , allant même parfois jusqu'à une forme de chantage et une mise en concurrence des priorités : « on n'est pas avec des acteurs culturels qui vont nous dire, "sanctuarisons la culture, et tant pis, les 20 millions [d'économie] faites-les sur le social ou faites-les sur l'éducation" ». Résultats : énormes coupes budgétaires dans les subventions, fermeture de bibliothèques et d'une salle de musique actuelle, etc. Une ligne politique assumée par la Mairie, en dépit des nombreuses critiques, en raison de l'endettement de la ville. Le maire semblant même sous-entendre que la politique culturelle ambitieuse de ces dernières années (PS) est responsable de cet endettement : « La présence finalement extrêmement forte de scènes labellisées, elle n'est pas que le fruit du miracle et de la décentralisation culturelle, elle est aussi le fait d'une réalité aujourd'hui économique de la ville de Grenoble qui a la fiscalité la plus élevé de France, le 5e endettement de France pour les villes de plus de 100 000 habitants, et qui a une épargne nette négative, donc qui doit en l'espace de 3 ans trouver 20 millions d'euros d'économie » .

On s'interroge sur l'absence des artistes ? Gardons à l'esprit, qu'en 1983, quand François Mitterrand met en place la rigueur, le Ministère de la Culture n'est pas impacté. Il s'agissait là d'un signe, d'un signe lié à des valeurs, des valeurs dites « de gauche ». Où trouver de tels signes actuellement ?
Le fait est qu'aujourd'hui, il est parfois plus facile de travailler avec la droite que la gauche en matière culturel, à minima parce qu'ils perçoivent des impacts positifs en termes d'images et de tourismes pour leurs collectivités (voir à cet égard, entres autres, la politique de Xavier Bertrand dans les Hauts-de-France, ou celle de Jean-Pierre Barbier en Isère).

Les arts et la culture témoignent de nos sociétés, de leurs maux, de leurs idéaux. Les espaces culturels et ceux d'éducation populaire sont des lieux de confrontation des idées, de stimulations intellectuelles. Véritables outils d'expression, ils permettent de faire vivre les débats et réveillent en nous des réactions, des rêves, des engagements, c'est-à-dire autant de chemins politiques vers une démocratie épanouie. 

Type de publication

    • Position G.s
 

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