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Les retraites : ultime réforme dans la marche vers l'individualisation du modèle de protection sociale français

1. Le projet de retraite à points

  •  Départ à la retraite possible à 62 ans, mais avec une décote de 10%, ce qui équivaut à 14,1% de moins que pour un départ à 64 ans
  • Calcul de la retraite sur la totalité de la carrière et non plus seulement sur les meilleures années
  • Faire dépendre le montant de la pension en fonction de l'espérance de vie de chaque génération
  • Mise en place d'avantages fiscaux pour les hauts salaires qui prendraient une retraites capitalisée
  • Les droits à la retraite dépendront de la valeur d'achat du point, qui pourra donc varier selon des critères encore flous et déterminés par le gouvernement chaque année 
  • Remise en cause du bonus par enfant qui sera proposé à un membre du couple (5% de bonus), ce qui favorisera le report de la bonification sur celui qui gagne plus
  • Choix de ne pas mettre plus de 13.8% du PIB accordé aux retraites, quelle que soit la configuration économique, et sans prendre en compte le vieillissement de la société.

 2. Historique / contexte récent

C'est sous l'impulsion du communiste Ambroise Croizat, au moment de la libération que l'assurance maladie, le système des retraites et les allocations familiales ont vu le jour. En 1966, la sécurité sociale est réorganisée en 4 branches : CNAM (assurance Maladie), CNAF (Allocations familiales), CNAV (Assurance vieillesse) et la branches prenant en charge les accidents du travail et les maladies professionnelles. En 1975, le droit à la retraite à taux plein passe de 120 trimestres (30 ans) à 150 trimestres (37,5 ans), sur la base des 10 meilleures années (et plus des dernières), avec des systèmes de calcul selon les branches de métiers qui complexifient largement la capacité à se projeter. Mise en place des pré-retraites en 1972 pour permettre aux entreprises de pouvoir licencier des anciens pour les remplacer par des jeunes moins payés (droits ou verts 60 ans en 1975 puis à 55 ans en 1980).

La hausse importante du chômage lié à la crise de 1973 pèse sérieusement sur le montant des cotisations, tout en mettant les chômeurs âgés en difficulté.

Ce dispositif faisant aujourd'hui parti de ce qui est communément appelé le modèle social est assez unique, et a permis à la France d'occuper une position particulière dans les statistiques en matière de retraites : au cours des 60 dernières années, les Hommes et les Femmes ont gagné 14 ans de vie en moyenne. Et en parallèle, le taux de pauvreté des retraités est compté parmi les plus bas du monde.

Il existe à ce jour 600 régimes de retraites de base et 6000 régimes de retraites complémentaires.

Depuis 1993, se sont succédé des réformes, ayant pour objet principal le report de l'âge de départ à la retraite bien au-delà de 62 ans.

  • 1993 : Réforme Balladur en plein été par ordonnance : passage à 160 trimestres (40 ans), création de la possibilité de décote pour chaque trimestre manquant sur le calcul du montant de la retraite si pas prise à taux plein, le calcul du montant passe des 10 meilleures années aux 25 meilleures années, changement du mode d'indexation des pensions en les alignant sur l'inflation et non plus sur l'évolution des salaires. Effets de la réforme : selon une étude de la CNAV de 2008, 6 retraités sur 10 ont eu une pension moins importante en moyenne de 6% qu'avant la réforme ; selon une étude du ministère du travail en 2009, en 17 ans, la durée de cotisations moyenne a augmenté de 8 mois ou moins, alors que la réforme se donnait un objectif de 30 mois (objectif manqué à 70%, le volume de cotisations n'a pas augmenté).

  • 1995 : Plan Juppé : Après une réforme du régime général, le gouvernement s'attaque aux régimes de retraite de base spécifiques (dits régimes spéciaux) de la fonction publique. Les grosses mobilisations font reculer le gvt et il vote alors la mise en place des fonds de pension.

  • 2003 : Loi Fillon : Mise en place progressive de la durée de cotisation à 42 ans pour le régime général. Allongement de la durée de cotisation des fonctionnaires passant de 37,5 ans à 40 ans. Grosse mobilisation sociale, notamment des enseignant.es, mais sans parvenir à faire céder le gvt. Création de nouveaux fonds de pension, avec un système de capitalisation individuels. L'objectif de la loi Fillon d'augmenter la durée de cotisation de 12 mois n'a pas non plus tenu ses promesses.

  • 2007 : Réforme des régimes de bases spécifiques non alignés sur les autres régimes (SNCF, RATP et les industries électriques et gaz, soit environ 500 000 personnes), passant donc progressivement la durée de cotisations de 37,5 à 41 ans. Créant une décote réduisant la retraite en cas de trimestres manquants pour ces fonctionnaires. Dans le même temps, les syndicats avaient quand même obtenu la possibilité de toucher la pension de réversion à 55 ans et la revalorisation du minimum vieillesse de 25% en 5 ans.

  • 2010 : Réforme Woerth : le Conseil d'Orientation des Retraites (COR créé en 2000) remet au gouvernement un rapport alarmant sur les effets de la crise sur le volume des cotisations, et donc du financement de système de retraites. L'angle utilisé par le gouvernement est celui de répondre au choc démographique, puisque la génération Baby-boom atteint les 60 ans en 2010. Le gvt annonce donc le passage de l'âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans, ce qui implique là encore une forte mobilisation sociale. Pour toucher la retraite avec décote (pas à taux plein, parce que années manquantes dans la vie professionnelle) de 65 à 67 ans. Augmentation du taux de cotisation retraite dans la fonction publique de 3 points (de 7,85% à 10,55%).
    Augmentation par décret de l'allongement de la durée de cotisation de 41 à 41 ans ½ à l'horizon 2020. Le calcul des syndicats est sans appel : un ouvrier devra en moyenne cotiser 3,14 années pour toucher 1 année de retraites, contre 2,64 avant la réforme de 2010. La retraite complémentaire est calculée par points et financée par les cotisations sociales (60% par le patronat, 40% par les salariés). Le régime de retraites des parlementaires ne fera finalement l'objet d'aucune réforme, alors que le système leur permet de toucher une retraite pleine en ayant cotisé 25 ans. La pénibilité des emplois, et donc leur traduction dans les droits la retraites ne passe pour le gvt que par la reconnaissance d'une invalidité, qui à 20% peut permettre à 30 000 personnes de partir en retraite à 60 ans. D'après la CNAM, entre 2013 et 2016, le montant des arrêts maladie a augmenté de 13,4% en raison de la présence plus importante sur le marché du travail de personnes âgées de plus de 60 ans (soit passage de 6,6 milliards d'€ à 7,1 milliards), avec 76 jours en moyenne d'arrêt de travail pour les personnes âgées de 60 ans et plus (33 jours pour les autres salariés).

  • 2013 : Marisol Touraine : Les réformes successives n'ont pas résolu la question de la pérennité du système dans le long terme. Pourtant le gvt choisi encore cette seule option pour inscrire sa trajectoire : augmentation de la durée de retraite à 43 annuités en 2035 et augmentation des taux de cotisations salariales et employeurs (à parité, soit 0,3 point chacun en 4 ans). La prise en compte dans le taux d'imposition des retraités ayant une pension majorée parce qu'elles ont élevé 3 enfants ou plus. Mise en place du compte personnel de pénibilité financé par les entreprises à partir de 2015 permet aux personnes en fin de carrière de pouvoir cumuler des points pour bénéficier de formations ou de temps partiel ou au bénéfice de trimestres de retraites.
Au 1er juillet 2017, 21 906 578 pensions étaient servies dans l'ensemble des régimes de sécurité sociale, répartit comme suit :
  • Les régimes des salariés représentaient 82,03 % du total, parmi lesquels
    • Régime général : 55,49 % du total 
    • Régime des salariés agricoles : 11,11 % du total
    • Fonctionnaires civils et militaires : 9,27 %
    • Collectivités locales : 3,83 %
    • Divers régimes spéciaux (mines, SNCF, ouvriers de l'État, etc.) : 5,33 %
  • Les régimes de non-salariés : 17,97 %
En 2007, les pensions représentaient 13,3% du PIB selon l'INSEE et 13% selon l'OCDE. Cet indicateur ne prend en compte que les retraites publiques obligatoires. C'est pourquoi, la comparaison avec d'autres pays voisins est impossible, car la plupart de ces pays ont opté pour des systèmes de retraites facultatives

3. Les positions du COR

 Les raisons avancées par le gouvernement pour mener la réforme : le déficit du régime des retraites. D'un point de vue comptable, et d'un point de vue des choix politiques qui ont été fait, le déficit annoncé de 17 milliards d'€ peut s'avérer juste. Mais en réalité, il est faussé, car les choix de réduire la masse salariale du secteur public, de baisser les « cotisations » jusque-là entendues par l'UNEDUC et la CAF, ou encore prévoir que les taux de cotisations restent fixes mènent à ce déficit. Mais le chemin à prendre n'est pas forcément celui-ci.

Les besoins pour couvrir les dépenses en matière de retraites devraient progresser selon le COR de 1,4% par an, ce qui correspond à la croissance du PIB prévue par le COR. La baisse de la part de la contribution de l'Etat à l'équilibre des régimes de retraites de la fonction publique et des régimes spéciaux est donc l'origine du déficit annoncé par le COR. En fait, lorsque les salaires stagnent, lorsqu'on réduit la masse salariale dans la fonction publique, le montant des cotisations au régime de retraites baisse en conséquence. Cela engendre donc l'argument utilisé pour baisser les retraites. C'est un peu la double peine.

D'ailleurs, le COR conclut dans son dernier rapport: « Au total, l'apparition du besoin de financement du système de retraite sur la période de projection résulterait davantage d'une réallocation des ressources au sein des administrations publiques au détriment de l'assurance vieillesse (via des effets de structure liés à la population active et la démographie) qu'à une hausse des dépenses du système qui restent stables en regard du PIB. »

En 2025, le système actuel de retraites a donc besoin de 11 milliard d'€ de plus pour répondre à tous les besoins, grandissants. Si le taux de cotisation retraite était augmenté de 0,2 point chaque année, ce serait finançable, tout en garantissant que le niveau des retraites ne baisse pas par rapport aux salaires, et que l'âge de départ reste à celui d'aujourd'hui.

4. Quelques éléments de fond 

Les retraites sont versées en direct, en temps réel par des cotisations sur les bulletins de paye des salariés en activité. Elles sont donc financées par ceux qui travaillent pour ceux qui ne travaillent plus. Ce n'est ni différé, ni mis de côté. C'est de la solidarité intergénérationnelle entre salariés, qui ne peut faire l'objet d'aucune spéculations, ni détournement. Et c'est bien cela qui gêne nos gouvernants actuels : ce ne sont pas de produits qui peuvent être cotés en bourse, ni vendus avec pertes et ou profits.

Le système par points serait celui permet de remettre de l'égalité ? Mais qui peut nous parler d'égalité alors que les carrières ne sont pas les mêmes, alors que les revenus ne sont pas les mêmes, alors que la pénibilité n'est pas la même, alors que l'accès aux soins n'est pas le même ? Le système de retraites vu par Macron sur une carrière complète de 40 années de cotisations ne pourra que faire baisser le niveau de retraites des plus fragiles, des plus précaires, de celles qui ont des carrières hachées ou qui font de longues études.

Les plus belles années de retraites sont entre 60 et 65 ans, mais que ce sont aussi les plus dures années au travail. Il est bon de rappeler que l'espérance de vie en bonne santé tend à reculer de 64 vers 63 ans, et que c'est vers 55 ans que le travail est plus pénible physiquement et mentalement. D'ailleurs, c'est une réalité bien connu des employeurs, qui à partir de 55 ans n'embauchent plus, voire débauchent facilement leurs salariés âgés.

Reporter l'âge du départ en retraite revient à ne pas embaucher de jeunes en situation d'insertion professionnelle, à les laisser dans des dispositifs précaires, payés souvent bien moins.

Là encore, les chiffres sont têtus : il y a 9 ans d'écart de vie en retraite entre les plus pauvres et les plus riches.

Les régimes dits « spéciaux », ne concernent que 3% des situations. Et c'est pour ces 3% qu'il faudrait remettre en cause tout le système ? Ces systèmes de compensations sont liés à des situations d'emplois particuliers : les travailleurs de nuit, les horaires décalés… Ce sont en fait des compensations, liées le plus souvent à des conventions collectives, qui servent à corriger branche par branche les inégalités subies tout au long de la vie professionnelle. Mettre fin à ces régimes, plus que supprimer des inégalités, cela en rétablit. Le cadre de réforme de Macron revient à opposer artificiellement les salariés entre eux.

Le pompom est atteint lorsqu'on comprend que quoi qu'il se passe, Macron veut bloquer les dépenses de retraites à 14% du PIB, quel que soit le nombre de retraités à l'avenir. Même sans avoir fait de grandes études scientifiques, il est aisé de comprendre, que notre société vieillissante doit au contraire investir dans le grand âge. Sinon, cela revient à diviser la même part de gâteau, pour un plus grand nombre : et donc forcément il y en a moins. Cela jouera forcément en priorité contre les temps partiels, les années de formation, les congés maternité, maladie, sabbatiques… Et pour ceux qui en ont les moyens, cela les poussera à placer leur argent dans des fonds de pensions, dans des comptes bancaires individualisés, privés.

5.  Quelques propositions

Le système global de protection social à l'équilibre, sauf quand le gouvernement décide lui-même de faire des modifications comptables qui créent un déficit malhonnête.

Plutôt que de faire travailler nos anciens, qui sont plus malades, qui sont moins productifs, mais surtout qui ne trouvent pas d'emploi, faisons travailler les plus jeunes, qui sinon, restent dans des emplois précaires, mal payés, stagiaires…

Augmenter les salaires, avoir une réelle politique de lutte contre le chômage et la précarité, stopper les réductions des fonctionnaires et augmenter très légèrement les cotisations sociales patronales et salariales (0,1 ou 0,2%) lorsque ce sera vraiment nécessaire (pas avant 2025 à ce jour).

Revenir au droit à la retraite à 60 ans à taux plein, calculer le montant de la retraite sur les 10 meilleures années, indexées sur les prix et les salaires, avec un taux de remplacement de 75% minimum.


En complément :

Position générale de Génération•s sur les mouvements sociaux sur les retraites de décembre 2019

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    • Position G.s
 

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