Ce texte propose une réécriture de la “fiche chapeau” de la thématique. Elle intègre les 6 propositions qui ont été réalisées en co-construction par le comité. Y ont participées : Lisa Belluco, Alice Brauns, Cécile Couchoud, Bernard Drobenko, Olivier Jourdan, Jean-Noël Lafaille, Yannick Meneux, Clément Pecqueux, Ekaterina Vlassova.
Avec près de 25 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, les transports de personnes et de marchandises représentent un chantier considérable dans le cadre de la lutte contre le dérèglement climatique. La multiplication considérable des échanges commerciaux et des déplacements humains, le passage du rail à la route, le développement de la mobilité individuelle, l’explosion du secteur aérien représentent autant de causes de cet accroissement des émissions de gaz à effet de serre et autant de chantiers à engager pour tenter de les réduire.
Le défi est grand et étroitement imbriqué avec beaucoup d’autres. La facilité des échanges commerciaux a entraîné un bouleversement profond de la production alimentaire et industrielle rendant les nations profondément interdépendantes. L’explosion de la voiture individuelle a transformé tout notre aménagement du territoire et entraîné un étalement urbain sur lequel il sera long et difficile de revenir.
Pour autant, il faut écarter tout de suite toute velléité de remplacer les véhicules thermiques par autant de véhicules électriques. Le bilan écologique de l’opération ne présente aucun intérêt, se contentant de déplacer les émissions de carbone et la pollution sur les zones d’extraction minière et autour des chaînes de production.
Dans quelle ville, dans quels territoires souhaitons-nous vivre ? Le confinement, malgré les nombreuses difficultés qu’il induit, nous sert d’expérimentation imprévue en matière écologique : moins de bruits, moins de pollutions et plus de biodiversité. Un des facteurs de ces changements est l’arrêt de la circulation des voitures et des avions. Ne serait-ce pas le moment d’annoncer, enfin, la fin de l’ère des mobilités à énergie fossile ?
Propositions :
Pour les distances courtes, c’est vers les
mobilités actives qu’il faut se tourner. Selon l’INSEE, en 2015, en France, 58 % des trajets domicile-travail de moins de 1 km sont effectués en voiture, c’est aberrant. La marche et le vélo sont les modes de transports les moins chers, les meilleurs pour la santé, les plus écologiques et souvent les plus rapides pour les courtes distances. Il faut favoriser ces modes de déplacement autant que possible, en mettant en place des conditions favorables :
• Réaménager la voirie pour redonner de la place aux piétons et cyclistes et ainsi apaiser la ville
(VR8).
• Investir dans les infrastructures cyclables
(M1) en déployant un réseau cyclable sur l’ensemble du territoire.
• Développer des utilitaires cyclables (vélo cargo, vélomobile…) par l’incitation des entreprises à favoriser ces modes de déplacement pour leurs besoins professionnels (flotte de véhicules, forfait vélo…).
• Développer l’usage du vélo électrique qui peut être utilisé assez aisément sur des distances jusqu’à 15 km. Pour cela, développer et soutenir des fabricants en France et en Europe, développer des stations de charge, soutenir le développement des techniques alternatives (comme par exemple l’hydrogène, à condition que sa production soit écologiquement et économiquement soutenable).
Pour les distances moyennes, c’est vers la
mobilité collective et partagée qu’il faut s’orienter :
• Développer les transports collectifs les véhicules électriques pour un usage collectif
(M3).
• Développer les mobilités partagées
(M4)dans les territoires peu denses et ceux qui ont subi un étalement urbain important, les rendant fortement dépendants des véhicules individuels.
En développant les alternatives à la voiture individuelle, on augmente la liberté de choix des ménages. Cela représente aussi un gain de pouvoir d’achat important. Pour un foyer, chaque voiture coûte en moyenne 6000 € par an. Pouvoir en abandonner une, voire 2, est une économie importante.
Pour les grandes distances, il faut réduire drastiquement l’usage du transport aérien, en particulier pour les distances courtes et moyennes et
développer le transport ferroviaire (voyageurs et marchandises) :
• Supprimer les liaisons en avion quand elles font gagner moins de 3 heures de trajet ;
• Taxer le kérosène pour supprimer l’absurde avantage compétitif du secteur aérien ;
• Favoriser le tourisme durable et local ;
• Redévelopper l’offre de trains pour le transport de voyageurs à l’échelle du continent européen et particulièrement les trains de nuit, pour concurrencer efficacement les lignes aériennes ;
• Mettre un terme à la fermetures des petites lignes en valorisant le rôle important du train dans l’aménagement du territoire ; y développer des transports avec des arrêts à la demande, à actionner par dans le train ou sur le quai ;
• Mettre en place une taxe sur les acheminements des biens à longues distances, basés sur un barème prenant en compte le mode de transport et la distance
(M5) ;
• Systématiser le ferroutage pour le fret longue distance et le fret international en transit sur le territoire français
(M6) ;
• Entretenir les voies navigables existantes et garantir leur navigabilité en soutenant financièrement le budget de VNF. Mettre fin à la fermeture de certains canaux et écluses et donc à la fermeture au public. Développer des voies navigables sur des tronçons manquants, mais dans un gabarit raisonnable prenant en compte l’impact sur l’environnement et le paysage.
Cette révolution des mobilités peut être renforcée, par logique systémique, par un certain nombre
d’autres mesures qui réduisent les transports ou alors son impact sur l'environnement.
En premier lieu, dans une logique de sobriété, il faut réduire les mobilités contraintes, notammnent les trajets domiciles - travail au quotidien et donc développer le télétravail et les espaces de co-working
(M7);
D’une manière plus générale, et dans une vision à long terme, la réduction des mobilités contraintes passe aussi par un changement de la planification urbaine et de l’arrêt de l’étalement urbain et donc de la promotion d’une
sobriété foncière.
D’une manière concomitante, l’ensemble des mesures de relocalisation des productions, notamment celle de l’industrie et de l’
agriculture passant par exemple par la le renforcement des
circuits courts et d’une
agriculture urbaine, participent à une plus grande sobriété des transports, tout en apportant une certaine autosuffisance.
Les infrastructures nouvelles provoquant un appel d’air, il faut mettre fin à l’ensemble des projets climaticides en cours (aéroports, autoroutes, voies rapides), parce qu’ils provoquent une augmentation du trafic que nous cherchons à réduire, mais aussi parce qu’ils détruisent au passage des précieux terrains et structures paysagères que nos pensons plus utiles à d’autres fins (préservation de la biodiversité, agriculture, etc).
Pour réduire l’impact des
véhicules individuels qui n’ont pas pu être remplacés par les alternatives proposées, nous voulons :
Interdire la vente de nouveaux véhicules à énergie fossile à horizon 2028 ;
Interdire, dès l’année prochaine, la vente des voitures les plus polluantes, en particulier les SUV ultra-consommateurs d’énergie fossile du fait de leur gabarit ; intégrer le poids du véhicule dans le calcul de la taxe sur les véhicules polluants. Le ratio poids/volume des véhicules n’a cessé d’augmenter ces dernières années alors que des véhicules plus efficaces, moins lourds, moins encombrants dans le domaine publique sont possibles ;
En conclusion, cette révolution des mobilités ne pourra sans doute pas se passer d’une vision globale, d’un schéma national qui prendra en compte les volontés territoriales et les interconnections avec les réseaux internationaux. Un schéma qui garantit une politique cohérente des transports, situant chaque localité à moins de 30 km d’une gare ou d’une plateforme multimodale, de mobilité partagée. Il devra être dotée de moyens suffisants pour renforcer l’innovation, l’expérimentation, l’efficacité et la sécurité.